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09-02-2011 18:53:58#1
JoKeRTenga est un nouveau jeu de rôle signé Jérôme Larré qui a participé à un certain nombre de jeux comme COPS, Quin ou encore les Mousquetaire de l'Ombre. Très accessoirement c'est un toulousain, homme de goût et de culture très sympathique et excellent MJ ayant longuement et mûrement réfléchit au jeu de rôle et à sa pratique. Le jeu a été publié par les éditions John Doe à qui nous devons des petites merveilles comme le DK système ou Hellywood. On parle de Tenga ici.

Ce jeu est un petit bijoux de jeu de rôle, une merveille d'intelligence et d'efficacité. Le contexte d'une période très précise du Japon (la fin de l'unification du pays entre 1582 et 1600) est avant tout un prétexte (mais peaufiné par un passionné de la période) pour présenter un système de jeu au service de la narration de l'histoire des PJs. Un "diceless avec un d20" comme le dit l'auteur. Le cœur du système est en effet adaptable à bien des univers, notamment Shadowrun. Il permet de construire la campagne autour de l'histoire des Pjs et du groupe de Pjs, en mélangeant toutes ces trames pour former, au minimum en théorie, une histoire unique qui prend aux tripes. Je ne saurai que trop vous en conseiller la lecture si ce n'est l'achat.



Pour ceux à qui ce préambule donne envie, voici le compte rendu, plus exhaustif, que j'en ai fait sur le forum de John Doe :


Le livre, l'objet

. Le livre en tant qu'objet reprend le format éprouvé des publications John Doe que je ne saluerait jamais assez. Sans faire une analyse d'image détaillée, la couverture annonce très bien la couleur. Une illustration qui ne se sen pas obligée d'occuper tout l'espace, qui donne le ton sobre et en même temps travaillé de l'ouvrage. Il suffit de quelques éléments pour donner l'ambiance : le titre du jeu, discrètement écrit avec une police "caligraphie asiatique", sa traduction en kanjis, un samouraï solitaire, une imitation de reliure en corde, un fond un peu jauni où apparaissent, à un endroit, des feuilles de bambous et une carte du japon en quatrième de couverture.

. Autre détail frappant par sa simplicité et son efficacité : le sommaire, marqué sur des rabats de la couverture qui serviront de marque page. Il n'est donc jamais loin et on aura pas besoin de perdre sa page ou de la maintenir avec un doigt pour aller trouver une autre dans le sommaire.

. A l'intérieure la mise en page est claire. Les pages sont légèrement grisées, atténuant le contraste avec les lettres sans riens enlever à la lisibilité, bien au contraire. Les illustrations, en niveau de gris, s'intègrent encore mieux au tout grâce à ce procédé. De tailles variables, de dessins de quelques centimètre à des œuvres plus grandes mais ne prenant jamais une plein page. Ils servent avant tout à accompagner la lecture, à mettre dans l'ambiance. La présence de dessin d'artistes japonnais classique comme Hokusaï est d'ailleurs particulièrement bienvenue. Je suis moins convaincus par les portraits des grands de ce monde. D'une part leur trait réaliste tranche un peu avec le reste de la charte graphique, plus stylisée. D'autre part je ne suis pas convaincus de leur utilité. S'ils sont importants aux histoires que vivront les PNJs de Tenga ce sera, à mon sens, plus comme ombre imposante du l'Histoire en marche plutôt que comme PNJs.



Le livre, le contenu

. En bon livre de jeu de rôle, Tenga propose une partie règle et une partie background. Il y rajoute un lien qu'on retrouve ailleurs mais qui est ici pensé comme une partie à part entière, même si intermédiaire : les personnages prétirés. Ces derniers y gagnent un intérêt et une qualité certaine : ils sont l'illustration du propos de l'auteur. En général quand je lit un livre de jeu de rôle, surtout le premier livre, je cherche avant tout le background. Les règles sont importantes, surtout si elles sont bien faites et pensées pour servir la narration, mais le cœur d'un jeu est son univers. Ce n'est pas le cas dans Tenga. De mon point de vue le cœur du livre, ce que j'en retiendrai avant tout et ce qui m'y intéresse le plus est justement l'ensemble des règles. Celles-ci sont au service d'une approche du jeu de rôle et le Japon du Tenga est un cadre dans lequel elles peuvent s'épanouir. Et pourtant pour avoir joué avec Brand, je peux vous assurer qu'il n'est pas un grand fan des règles, préférant et de loin la narration. En deux parties je n'ai eut qu'une seule fois une feuille de perso et n'ai jamais lancé de dés.


Les règles
. En fait il y a deux partie à ces règles. Le concours du Grog nous apprend que l'auteur décrit le système de Tenga comme "un diceless avec un d20" : il s'agît avant tout de proposer des bases pour la narration de l'histoire des personnages. Et de temps en temps il faut lancer un dé : la vie n'est pas un long fleuve tranquille et le hasard est un facteur incontournable.

Le d20
. Je vais passer rapidement sur le d20. En gros il permet au personnage de se dépasser. Cela à toujours un coût et tend à avoir des conséquences dramatique, au sens littéral : les actions ainsi sanctionnées doivent être cruciales pour que le jet ait un intérêt. Le résultat, positif ou négatif n'est donc jamais anodin. Les règles sont donc assez simples et encore je les trouve un peu trop importantes. De nombreux facteurs peuvent influencer ce jet de dé et si tous ont leur raison d'être, ils sont un peu nombreux. Les idées que ces facteurs représentent (blessure, valeurs morales du personnages, confiance dans les autres, ... ) sont toutes intéressantes, mais les règles perdent un peu en fluidité à vouloir toutes les utiliser sur le d20. Cela dit je dit ça à la seule lecture du livre. Toutes ces règles sont accompagnées d'exemples issues des aventure d'un personnage et de conseils pour les utiliser à bon escient.
. La règle d'or est que chaque jet doit compter, c'est-à-dire servir la narration. Ce principe est largement commentée dans la partie du MJ afin que le jet de dé entretienne la dynamique de la partie plutôt que de la casser. Le cœur du système est en effet un "sans dés". Tout est pensé pour servir l'histoire des personnages, pour la rendre passionnante et prenante pour tout le monde.

Le diceless
. La première partie "sans dés" concerne directement les joueurs puisqu'il s'agit de la création des personnage et du groupe. La première étape d'une campagne commence par la création de ce dernier. Tout les joueurs y ont une part égale, le tout chapeauté par le MJ. Cette partie répond à une de mes attentes depuis quelques temps. Finit les rencontre dans l'auberge / le bar / la cantine / les cachots / ..! Et surtout ça permet de se mettre d'abord dès le début sur ce à quoi veulent jouer toutes les personnes présentes à la table et ainsi éviter de futures déceptions. L'idée n'est peut être pas nouvelle. Mais les règles proposées ici la servent à merveille. Un groupe se définit par son concept (ce que les joueurs veulent jouer), son ambition (ce que les personnages veulent faire) et son karma (ce que les joueurs aimeraient qu'il arrive à leur groupe). Et s'il faut se mettre d'accord sur une dynamique de groupe, cela ne veut pas dire que tout les personnages ont la même approche : faire partie d'un groupe ne détruit pas l'individu (du moins dans les histoires intéressantes à vivre). Ensuite les joueurs définissent ensemble les ressources du groupe, qui les gère, quelles sont leur importance et leurs limites et à qui ils seront opposé. A l'issu de cette création de groupe il est fort probable que le travail du MJ soit déjà en grande partie avancée : les forces en présences, les antagonismes et les intrigues sont déjà en grande partie créé à ce moment. C'est d'ailleurs un point qui me chiffonne un peu, mais qui est facilement remédiable : personnellement en tant que MJ j'ai toujours une idée d'histoire avant de créer le groupe de personnages. Par conséquent quand j'utiliserai ce système je poserai par avance quelques cadres sur ce que j'ai envie de raconter.

. Ensuite on créé les personnages eux-même. Leurs propres concept, ambition et karma auront déjà été largement élaborés dans la partie précédente. Ils sont affinés et complétés ici. En outre on retrouve les classiques caractéristiques, compétences, avantages et défauts. On peut aussi choisir l'âge et donc l'expérience : jeune, adulte, entre deux âge ou ancien. Les personnages ne sont donc pas forcément "du même niveau", mais les mécanismes font en sortes qu'ils aient tous leur rôle et surtout leur intérêt.

. Finalement le livre s'adresse directement au MJ. Il explique comment utiliser le diceless pour résoudre la plupart des actions selon le principe suivant, synthétisé dans un tableau : à tel niveau de compétence le personnage peut s'attendre à tel degré de réussite ou d'échec s'il veut réussir une action de tel niveau de difficulté. Il y a ensuite moyen de faire appel à différents bonus, notamment en ayant de bonnes idées pour utiliser son environnement. C'est aussi ici qu'est expliqué comment interpréter les différents résultats, comment les rendre plus vivant etc. et surtout comment faire en sorte qu'ils servent le plaisir du jeu, la dynamique de l'histoire. C'est aussi ici qu'est traité la progression des personnages.
. Cette partie se finie par une partie de quatre page "Tisser la toile du destin" qui sont juste géniales. Un petit manuel de comment développer et intégrer les toiles personnelles des PJs à la campagne pour que chacun aie l'impression de jouer autant on aventure que celle du groupe. Un pur bijou.

. Et puis pour ceux qui en redemandent il y a les règles optionnelles. Elles sont toutes propres à l'univers de Tenga pus qu'à ce système de jeu et je soupçonne que c'est pour ça qu'elles sont à part. Les aficionados des duels de samouraïs trouveront leur bonheur ici, à condition de chercher une approche durement réaliste exprimée par un encadré décrivant une "philosophie martiale" bien loin des clichés et des films d'action. Puis on trouvera les "règles" ou plutôt les principes du "surnaturel". Car pour les habitants il ne s'agit en rien de surnaturel : les forces mystiques sont celles de la nature. Il s'agit donc de les intégrer, si on le souhaite, au quotidien, en laissant toujours le doute : mystique ou juste tour de l'esprit ?

. Je finirait cette partie sur les règles en saluant les nombreux encadrés qui les émailles. Il éclaircissent quelques point de manières limpides et surtout rappellent toujours quel est le but des règles.



L'univers de Tenga

. Je suis actuellement étudiant en histoire et géographie, doublé d'un caractère parfois tatillon. Autant dire que quand je joue à un jeu de rôle ayant un cadre ou une inspiration historique, je suis assez difficile. Il n'y a pas eut de période ou de région simple dans la grande aventure de l'humanité. et surtout rien n'est jamais figé. Peu de chose me rebutent autant qu'une approche prétendument savante et finalement réductrice. A titre d'exemple on parle encore en occident du "Moyen Age" comme d'une période unie et vaguement obscurantiste. Mais il s'agit d'une période de 1000 ans, sur de vastes territoires très différents peuplés de gens qui le sont encore plus. Et les gens n'y étaient pas plus stupide qu'avant ou après, mais bel et bien différents. Par rapport au sujet qui nous concerne, on parle d'un japon "médiéval" car il présente certaines similarités, mais s'arrêter là serait réducteur. Et prétendre traiter dans un petit chapitre d'un livre de jeu de rôle d'un sujet aussi vaste entraine forcément des simplifications.

. La grande réussite de l'auteur en ce domaine est d'avoir conscience de toute ça. Réduire son propos à un intervalle de temps bien spécifique et court à l'échelle historique, mais largement suffisant pour une campagne de jeu de rôle, est une excellente idée. Elle permet de limiter de nombreux écueils. Ensuite il met bien en garde : il a du faire des choix, trancher entre des sources contradictoires. Il suggère aussi régulièrement aux lecteurs de faire leurs propres recherches complémentaires. Enfin il insiste sur la variété des situations : il décrit des éléments parfois contradictoires, des situations qui ne sont pas les mêmes d'un bout à l'autre de l'archipel et des codes qui ne sont pas plus absolus alors qu'aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'un groupe prétend suivre telle morale qu'il la suit effectivement. Cela reviendrait à dire que les gens font ce qu'ils disent qu'ils font quand ils cherchent à être biens vus...

. On commence donc avec un résumé évènementiel et une présentations des différentes forces en présence. La période décrite se caractérise en effet par une forte instabilité géopolitique qui rend ces éléments indispensables à la contextualisation. Et il s'agit d'autant d'amorces de scénarios. Ensuite il nous décrit la géographie, la démographie, la culture, l'économie et la religion du Japon à cette période. L'accent est mit sur les dynamiques en œuvre autant que sur les structures plus stables. Le tout est accompagné de ces fameux encadrés donnant des conseils pour utiliser ces éléments à bon escient dans une partie.

. L'idée est qu'il ne s'agit pas de reconstituer oralement et authentiquement le japon entre 1582 et 1600. C'est le long et parfois fastidieux travail des historiens. Il s'agit de fournir un cadre intéressant et inspirant pour y raconter des histoires passionnantes, selon des thèmes plus universels et à même de nous toucher. C'est un habillage pour la campagne, et de très bonne facture ! On sent le passionné averti qui s'est retenu, à chercher à nous transmettre l'essentiel de ce décors en le débarrassant des détails tout en nous fournissant assez de piste pour les créer.



Un livre au service du jeu

Vous aurez compris, que malgré quelques réserves je suis conquis par ce livre. Tenga est sans aucun doute une réussite dont Jérôme peut être fier. Il est tout entier dédié à la création d'une aventure rôlistique de qualité. Tout y converge, rien n'y est gratuit et peu y est laissé au hasard. Les règles sont là pour donner corps à notre imagination, le cadre pour la vêtir. Ici le jeu de rôle est avant tout l'art de raconter et de faire vivre ensemble une histoire qui nous touche. Ce n'est évidemment pas une découverte et nous sommes nombreux à ne pas avoir attendu Tenga pour le concevoir comme ça. Mais je l'ai rarement, sinon jamais vu pensé, travaillé et exposé avec autant de brio, mais aussi de clarté et de synthèse.
Ne possédant pas cette dernière qualité, j'espère que ce long pavé ne vous rebuteras pas de sa lecture et surtout pas de la lecture de Tenga.
09-02-2011 19:28:27#2
rikaSuper critique qui donne bien envie de découvrir l'objet!
16-02-2011 00:09:10#3
Renard FouConvaincant. Jeu à tester.
16-02-2011 01:03:14#4
neko.miaouIdem!

Je suis curieux de savoir ce qui est dit sur le combat au sabre et le bujutsu/kenjutsu/bushido de manière générale......
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