Carrul et les Thérans

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J’ai rédigé ce compte-rendu lors d’une soirée bien arrosée au Rat déchiqueté, une des tavernes de Grand-Foire. Ce soir-là, mon compagnon de beuverie, l’écumeur du ciel Ergu Longues-cornes, a d’abord attiré mon attention lorsqu’il se mit à parler de navires thérans grouillant autour des monts du Tonnerre. Nous autres, à la Grande Bibliothèque de Throal, avions entendus plusieurs rumeurs troublantes à propos d’une recrudescence de l’activité thérane aux alentours des pics du Crépuscule et des monts du Tonnerre. Je décidai donc d’offrir une rasade à Ergu Longues-cornes et lui demandai de me raconter son histoire. J’ai retranscrit cette histoire du mieux que le permettaient mes souvenirs, et Maitre Merrox a décidé d’inclure ce compte-rendu dans ce recueil pour que les héros de Barsaive restent vigilants face aux incursions théranes. • Neled N’Bar, apprenti archiviste de la Grande Bibliothèque de Throal •

Carrul est le meilleur capitaine de navire du ciel de tout Barsaive. Il peut fendre le ciel plus vite qu’un corbeau, et glisser en douceur sur les courants les plus tumultueux comme d’autres sur la glace. Même un terrestre comme toi se sentirait à l’aise avec Carrul à la barre. Et c’est un guerrier futé, en plus. Il y a de cela quelques semaines, il a commandé notre équipage lors d’un important combat contre les Thérans ; lorsque j’aurai cinq-cents ans, si j’en ai l’occasion, je m’en souviendrai encore.

Nous avions repéré des navires du ciel thérans aller et venir depuis un mois ou deux, reniflant l’air autour des monts du Tonnerre, tels des chiens de chasse flairant une piste. Au début, nous pensions qu’ils essayaient de provoquer le combat, mais lorsque nous envoyâmes plusieurs drakkars pour en découdre, ils prirent la fuite et retournèrent sans attendre vers le Quai des nuages. Certains de nos guerriers raillèrent cette fuite qui, d’après eux, prouvait la réelle couardise dont sont capables les Thérans. Carrul n’était pas du même avis. Alors que le troisième navire théran faisait demi-tour sans combattre, Carrul envoya les meilleurs éclaireurs de notre assemblée surveiller les allées et venues des navires du ciel thérans au dessus des contreforts montagneux. Quelques-uns estimèrent que Carrul devait être fou pour se mêler ainsi des affaires des Thérans, mais il ne leur prêta aucune attention. Et il a bien fait, une fois de plus.

Les éclaireurs maintinrent leur surveillance pendant trente jours et trente nuits, et pendant cette période, ils dénombrèrent quarante six vedettes théranes volant à proximité et au-dessus des monts du Tonnerre. Les vedettes ne lancèrent aucun assaut contre les assemblées ; elles allaient, venaient et tournaient, tout simplement. « Des navires espions », c’est ainsi que les désigna Carrul lorsque les éclaireurs lui firent part de ces nouvelles. Il ne savait pas ce que les Thérans étaient venus espionner, mais nous savions tous que ceci n’augurait rien de bon. Ces maudits Thérans voulaient à nouveau passer Barsaive sous leur joug, et jamais ils n’y renonceront.

Trois jours après le retour des éclaireurs, des rumeurs parvinrent jusqu’à notre assemblée à propos d’un rassemblement de navires du ciel et de soldats thérans sur les plaines au nord de Travar. Nous ne savions toujours pas quelles étaient leurs intentions, mais des Thérans étaient impliqués, et nous étions certains que ceci ne présageait rien de bon. Vue la situation, Carrul estima que la meilleure des défenses, c’était l’attaque, et il ne trouva personne pour le contredire.

Carrul donna alors l’ordre à cinq drakkars, chacun doté d’un équipage de 30 guerriers dûment sélectionnés, de prendre leur envol. J’étais à bord de la troisième embarcation et partageais le banc avec Morag aux Yeux de chatte. C’est un spectacle effrayant que de voir Morag au combat, mais le reste du temps, tout le monde est d’accord pour dire qu’elle est toute mignonne. (Ne ris pas, les trolls peuvent paraître démesurés pour la brindille d’elfe que tu es. Pourtant, de mon point de vue, Morag est tout aussi jolie que toi par rapport à moi). Une fois ses guerriers sélectionnés, Carrul ordonna à des trolls trop âgés pour combattre de monter à bord d’un sixième navire. Là, plusieurs d’entre nous furent perplexes, mais Carrul nous fit taire avec un rictus et ces quelques mots : « Faites-moi confiance, comme vous l’avez toujours fait jusqu’à maintenant. J’ai des projets pour ce bateau. Notre réussite dépend de ces anciens. Observez, apprenez et soyez prêts à vous battre lorsque je vous l’ordonnerez. » Et notre respect envers Carrul était tel que personne ne remit en cause ses paroles, même si, à cet instant, nous ne comprenions toujours pas où il voulait en venir.

Cette nuit-là, nous avons dormis à bord du navire : Morag recroquevillée sous le banc, et moi allongé au-dessus avec les étoiles pour seule couverture. Je n’ai pas vraiment fermé l’œil de la nuit : j’ai simplement fixé les étoiles jusqu’à ce que les premières lueurs bleutées de l’aube percent le ciel. Baignés par la lumière matinale, nous suivions le navire de Carrul qui dévalait les flancs montagneux jusqu’aux collines boisées au nord de Travar. Sur son ordre, nous atterrîmes à l’intérieur d’une étroite vallée. Alors que nous débarquions, il nous demanda de planter les tentes et d’allumer autant de feux que possible. Ceci fait, nous rassemblâmes notre équipement de combat et marchâmes plein sud en longeant le bord de la vallée. Les anciens restèrent au camp. En quittant les lieux, nous les entendîmes entonner un chant de guerre rauque, entrecoupé de hurlements à fendre la brise nocturne, et se mettre à danser en martelant le sol de leurs pieds.

« Si les éclaireurs thérans découvrent le camp, ils penseront que nous sommes trop vieux et trop saouls pour combattre, » dit Carrul. Je vis des sourires se former peu à peu sur les visages de mes frères d’armes, tandis qu’ils commençaient à comprendre où Carrul voulait en venir. Nous marchâmes longtemps, très longtemps, et aucun de nous ne se plaignit de la langoureuse douleur qui envahissait peu à peu nos épaules et nos pieds, car nous savions que Carrul nous menait à la victoire.

Longtemps après le coucher du soleil, nous atteignîmes une clairière et Carrul nous fit signe de nous arrêter. Six sylphelins sortirent du feuillage des arbres et volèrent vers lui. Il leur parla à voix basse, puis tendit le bras vers le sud, au-delà des arbres qui nous encerclaient. Les sylphelins prirent leur envol. Carrul les regarda s’éloigner, puis remarqua mon étonnement. « Qu’est-ce que ces enquiquineurs faisaient ici ? » lui demandais-je.

Il fronça les sourcils. « Ces enquiquineurs, jeune Ergu, sont sans doute les éclaireurs les plus compétents de tout Barsaive. Et ils sont bien plus discrets que des trolls. » Sur ce, il sortit une lourde cape de son paquetage et s’enroula dedans pour se reposer. Le reste d’entre nous fit de même, tant bien que mal. Je m’allongeai, recroquevillé contre le tronc noueux d’un vieil arbre, et fermai les yeux. Mais je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là.

Les éclaireurs furent de retour peu avant l’aube, et nous suivîmes Carrul à travers bois jusqu’à l’orée d’un vaste champ. Dix navires du ciel thérans étaient posés au milieu de celui-ci, et un nombre incalculable de soldats s’agitaient autour d’eux. Certains construisaient une barricade à l’aide de cordes et de lourds piquets taillés en pointe. Nous nous tapîmes dans les sous-bois et attendîmes le signal de Carrul pour passer à l’attaque.

Quelques minutes plus tard, un cri s’éleva du camp théran tandis que les gardes pointèrent du doigt six sombres silhouettes apparaitre au-dessus de la cime des arbres. Nos anciens étaient là, à bord des drakkars. Les soldats thérans attrapèrent leurs épées et leurs lances et vinrent se réfugier à couvert, derrière la barricade, comme si celle-ci pouvait les protéger d’une attaque aérienne.

J’étais si stupéfait que je dus exprimer tout haut mes pensées : « Pourquoi ne montent-ils pas à bord de leurs navires ? »

Des pieds minuscules se posèrent doucement sur mon épaule, et l’un des éclaireurs sylphelins murmura à mon oreille : « Je suis sûr qu’ils aimeraient pouvoir le faire. Seulement voilà, nous avons coupé les dérives et volé leurs gouvernails. »

Nos drakkars passèrent au-dessus de la lisière des bois et commencèrent à descendre en présentant leurs flancs face à la barricade. Les thérans tirèrent une volée de flèches qui vint s’écraser sur les robustes coques comme des brins de paille sur un mur de briques. Carull leva le bras ; nous nous précipitâmes hors de nos positions pour nous jeter sur la partie la moins protégée de la barricade thérane. Nos épées et nos haches les fauchèrent comme les blés. Aucun de nos adversaires ne survécut.

Les anciens firent atterrir les drakkars tandis que la bataille prenait fin, hurlant de joie pour avoir contribuer à la défaite de l’ennemi théran. Nous détruisîmes également leurs bateaux, diminuant l’armada thérane de dix bons navires supplémentaires.

Nous n’avons plus vraiment repéré de mouvements thérans depuis. Nous suivons néanmoins le conseil de Carrul et continuons de surveiller le ciel avec attention.

Idées d’aventures

Même si, depuis ces vingt dernières années, l’influence des Thérans s’est essentiellement cantonnée aux régions situées dans le sud-ouest lointain de Barsaive, près de la province de Vivane, il leur arrive parfois de lancer des rafles d’esclavagistes vers l’intérieur des terres de Barsaive. Ce récit décrit une telle expédition et la bataille qui en découle entre une assemblée trolle de pirates du cristal et un groupe de navires du ciel thérans, près des monts du Tonnerre. Ces rafles sont relativement peu fréquentes, tout particulièrement lorsqu’elles prennent place en dehors des territoires dominés par le Quai des nuages et Vivane. Les rafles théranes s’organisent, pour la plupart et pour plus de sécurité, à proximité de ces territoires autrefois contrôlés par le royaume humain de Landis et par le royaume ork de Cara Fahd.

Ces derniers mois, pourtant, des navires du ciel thérans ont été aperçus au-dessus de la partie méridionale du fleuve Serpent. D’après les rumeurs, les Thérans seraient à la recherche d’un avant-poste dont l’utilisation remonte à la période pré-Châtiment. Même si ces rumeurs peuvent contenir une parcelle de vérité (voir la légende Un mystère ancien), plusieurs rapports indiquent que les Thérans ne sont pas uniquement intéressés par l’existence supposée d’un avant-poste, et certains membres de l’Œil de Throal (le service de renseignements de Throal) et la Force d’exploration de Sa Majesté insistent sur le caractère néfaste des recherches organisées par les Thérans.

Throal reçoit d’ailleurs de nombreux rapports à propos d’agents thérans parcourant l’étendue méridionale du fleuve Serpent contrôlée par la maison K’tenshin. Cette maison commerçante t’skrang a largement profité des relations commerciales avec Théra avant le Châtiment, et plusieurs conseillers du Roi Varulus pensent que les Thérans, la maison K’tenshin, ou les deux, souhaitent rétablir ces anciennes relations. Une telle alliance peut s’avérer problématique pour Throal, comme pour tout donneur-de-noms voyageant sur cette partie du fleuve Serpent.

La présence thérane renforcée le long du fleuve Serpent méridional peut certainement donner lieu à de nombreuses idées d’aventures. Par exemple, le royaume de Throal pourrait faire appel aux personnages des joueurs pour qu’ils rencontrent les dirigeants de la maison K’tenshin et leur proposent l’établissement de relations commerciales, dans l’espoir de court-circuiter toute négociation similaire avec les Thérans. Les personnages des joueurs, lors d’un voyage à proximité du fleuve Serpent ou des monts du Tonnerre, pourraient également tomber sur un peloton d’éclaireurs thérans (le maitre de jeu doit, dans ce cas, déterminer l’objet de la recherche organisée par les Thérans). Enfin, les personnages des joueurs pourraient se trouver à bord d’un navire de pirates du cristal lors d’une confrontation avec un navire du ciel théran. Un combat peut s’ensuivre et offrir aux personnages des joueurs l’opportunité de jouer un rôle essentiel dans la défaite thérane.


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Carrul et les Thérans
Une légende de Barsaive
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