L’emprisonnement de la Mort

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En des temps immémoriaux, avant que l’Empire Théran ne s’empare de Barsaive, nos ancêtres vivaient en harmonie avec la terre et les Passions. Mais l’harmonie ne régnait pas toujours entre eux. Dans de nombreux royaumes, les donneurs-de-noms combattaient pour la terre, la fortune et le pouvoir, tuant leurs semblables pour satisfaire leurs désirs égoïstes. Les vivants pleurèrent alors longtemps les morts qu’ils aimaient tant et implorèrent la passion Garlen pour qu’elle les soulage des absurdités de la Mort. Garlen aime tous les donneurs-de-noms comme une mère ses enfants, et les larmes des familles en deuil trouvèrent en son cœur une terre fertile. Pourtant, malgré tous ses efforts, elle ne parvint pas à mettre un terme aux souffrances infligées par la Mort aux vivants.

Finalement, Garlen demanda aux autres Passions de se réunir dans sa demeure près de la mer. Une fois sur place, Garlen leur parla des souffrances que la Mort infligeait aux donneurs-de-noms.

« L’Univers chérit la vie par dessus tout, dit-elle, car la vie englobe la joie et l’émerveillement qui donnent un sens à l’Univers. Nous devons protéger la vie pour ne pas tous sombrer dans le désespoir. » Les autres Passions, émues par les paroles de Garlen, se mirent à discuter de ce sujet. Pendant longtemps, elles ne parvinrent pas à se mettre d’accord sur le meilleur moyen de protéger la vie. La Passion Jaspree suggéra alors d’emprisonner la Mort. D’emblée, les Passions débattirent du sujet avec acharnement. Lochost, refusant de voir quiconque emprisonné, s’opposa à cette idée, et l’éloquent discours de Garlen sur la détresse des donneurs-de-noms n’y changea rien. Enfin, le sage Mynbruje proposa un compromis. Les Passions emprisonneraient la Mort afin d’épargner aux donneurs-de-noms ses pires turpitudes et pour satisfaire Garlen. Mais pour que Lochost soit également satisfait, la Mort aurait une chance de regagner sa liberté.

Le rusé Vestrial conçut un plan pour emprisonner la Mort et Upandal l’architecte suggéra un moyen sûr de la garder prisonnière. Les autres Passions fouillèrent les coins les plus reculés du monde pour réunir les éléments dont ils auraient besoin. Lorsqu’ils revinrent à la demeure de Garlen, ils apportèrent une forge brûlante, un âtre chaud et du feu. Ils apportèrent le feu du soleil ardent, de la pensée d’un érudit, celui d’un cœur amoureux et de l’esprit d’un guerrier. Ils apportèrent aussi les feux de l’amour, du désir et des réjouissances [selon moi, la révolte avait sa place ici] ; les feux du réconfort, de la croissance, du changement et de la compassion ; les feux de la force, du courage, de la création et de l’intelligence. Ils apportèrent tous ces feux qui incarnaient l’essence même de la Passion.

Upandal plaça tous ces feux dans sa forge jusqu’à ce qu’elle rougeoie, telle la puissante chaleur du soleil. Upandal plongea alors ses mains dans le brasier et le modela avec compétence et habileté en un océan de flammes suffisamment fort pour entraver la Mort. Lorsqu’Upandal eut terminé son oeuvre, Chorrolis sortit une pièce de cuivre de sa bourse bien garnie. Et comme l’avait demandé le rusé Vestrial, Chorrolis et la douce Astendar touchèrent ensemble la pièce pour l’imprégner des esprits du désir et de la convoitise. Enfin, Chorrolis jeta la pièce dans la mer, près de la maison de Garlen.

Une fois tout ceci accompli, Vestrial se rendit auprès de Thystonius, qui semblait toujours savoir où la Mort se situait, et trouva cette dernière dominant du regard un champ de bataille.

« Salutations, dit le Rusé en s’approchant d’Elle tout en s’inclinant avec respect. Je regrette d’interrompre ton important travail, mais je souhaiterais te faire part d’un sujet qui me semble tout aussi important. » La Mort se détourna du spectacle de la bataille. « Parle » dit-elle, d’une voix semblable au vent glacé.

Vestrial hésita. « Maintenant que j’y pense, je ne sais pas si je devrais, répondit-il. Je ne souhaite pas calomnier ton noble travail, ni même mettre en cause tes compétences. N’y pensons plus. » Sur ce, la Passion s’apprêta à partir.

« Attends ! » ordonna la Mort. « Comment peux-tu mettre en cause mes compétences ? Je suis la Mort. Je connais la valeur de toute vie ici-bas, et aucune n’échappe à mon toucher. »

Vestrial s’inclina profondément. « Je te prie de m’excuser, dit-il, mais ce n’est pas tout à fait exact. Mes frères et moi avons découvert une vie révolue qui n’a pas été recueillie. Mais cela n’a aucune importance, j’en suis sûr. Tu es si occupée à suivre l’évolution de toutes ces vies sur ce monde ! Tu as simplement dû négliger celle-ci. Une petite vie vite oubliée n’a sans doute aucune importance, n’est-ce pas ? »

« Où est cette vie ? » demanda la Mort.

« C’est un marin stupide qui s’est noyé dans la mer et qui ne mérite certainement pas ton attention, répondit le rusé Vestrial, »

« Montre la moi ! » demanda la Mort.

Vestrial inclina la tête avec grand respect, et son visage solennel, ne laissa rien paraître de l’éclat de rire qui résonnait en lui. Suivi de près par la Mort, Vestrial retourna au plus vite vers la maison de Garlen au bord de la mer.

Lorsqu’ils arrivèrent, les autres Passions étaient rassemblées sur la plage. Vestrial indiqua du doigt les profondeurs bleutées et chatoyantes de l’océan. Loin sous sa surface reposait la pièce jetée par Chorrolis, que le pouvoir de la convoitise faisait miroiter.

« Voici cette pauvre âme, dit Vestrial, attendant la délivrance que seule la Mort peut apporter. »

La Mort scruta les eaux miroitantes où la pièce reposait. À ses yeux, cette pièce était une vie oubliée et la Mort plongea sans attendre pour la récupérer. Lorsque la main de la Mort toucha le fond, Upandal retira de sa forge le bouclier ardent qu’il avait tissé et le lança au-dessus des eaux. Les flammes se répandirent dans toutes les directions, et engouffrèrent l’océan dans sa totalité. Chaque Passion rassemblée versa une goutte de son sang sur les flammes. Au contact de ce sang, le feu devint une mer de lave, emprisonnant la Mort sous sa surface.

Lochost prononça alors le sort d’enfermement : « Par le feu et le sang tu es liée ; par le feu et le sang, tu pourras t’échapper. Chaque goutte de sang versée sur cette terre par les donneurs-de-noms fragilisera tes liens, telle l’eau qui érode la pierre. »

La Mort tira de toutes ses forces sur les liens qui la maintenaient prisonnière, mais ne parvint pas à s’échapper des profondeurs de la mer ardente. Ainsi, les Passions libérèrent les donneurs-de-noms de l’étreinte de la Mort, jusqu’au jour où notre propre folie Lui permettra de s’échapper pour qu’Elle puisse à nouveau marcher parmi nous. Et depuis ce jour, l’océan de feu porte le Nom de Mer des Enfers.


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L’emprisonnement de la Mort
Une légende de Barsaive
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