Les pieds enchaînés de l’Amitié

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Durant la période précédant le Châtiment, alors que les Thérans dirigeaient Barsaive d’une poigne de fer, notre ancêtre Tchi parcourut le fleuve Serpent sur une longue distance à la recherche de nouveaux villages avec lesquels marchander, en dépit des avertissements de quelques anciens de notre fondation qui lui avait déconseillé de s’aventurer aussi profondément dans des terres inconnues. Ses affaires prospérèrent, et bientôt elle commença le long voyage qui la ramènerait chez elle. Mais une journée à peine après avoir mis les voiles, elle tomba aux mains d’esclavagistes. Tchi se défendit avec bravoure mais les esclavagistes la submergèrent. Ils s’emparèrent de toutes ses marchandises comme butin et la marquèrent au fer du sceau de son nouveau propriétaire.

Quand Tchi retrouva ses esprits, des cercles de fer emprisonnaient ses chevilles et elle sentit une douleur atroce enflammer l’un de ses pieds. Ses ravisseurs l’avaient enchainée à une femme humaine. Les esclavagistes avaient transpercé son pied et celui de l’humaine avec une tige métallique, pénétrant la chair juste sous l’os de la cheville pour qu’elles puissent à peine marcher. Tchi interrogea la femme, mais tout ce qu’elle lui apprit était son nom : Mara.

Tchi et Mara passèrent de nombreuses semaines attachées l’une à l’autre, forcées par les esclavagistes à traverser Barsaive. À cause de leurs liens et pour amoindrir leur souffrance, elles ne pouvaient se déplacer qu’en s’appuyant l’une sur l’autre pour soulager leurs jambes entravées du poids de leur corps. Pendant leur longue et lente marche jusqu’à la cité de Vivane, Tchi et Mara partagèrent leur peur et leur souffrance, et, de parfaites étrangères, elles devinrent rapidement de très proches amies.

À Vivane, leurs ravisseurs les vendirent aux esclavagistes Thérans. Ces derniers enchainèrent les deux femmes au mur d’un cachot sombre et humide, sous les écuries d’une auberge où les esclavagistes se rendaient souvent pour manger ou dormir lorsqu’ils faisaient affaires dans la ville et ses alentours. Le sous-sol était spécialement conçu pour séquestrer les donneurs-de-noms achetés et vendus : un imposant verrou de fer maintenait fermée une solide porte en bois et de larges anneaux de métal étaient fixés au mur de pierre pour y attacher les esclaves. L’endroit était froid et empestait le fumier et la pourriture. Même le foin des écuries au-dessus était pourri et fétide, Uniquement remplacé par les tenanciers lorsque la puanteur devenait si insoutenable qu’elle couvrait celle des chevaux et gênait les clients de l’auberge. Et à chaque fois que les chevaux allaient et venaient, du foin, de la boue et du fumier tombaient sur Mara et Tchi à travers les fissures du sol de l’écurie.

Accablées, les deux femmes restaient accroupies l’une à côté de l’autre. Lorsqu’elles s’enlaçaient pour se tenir chaud, elles parlaient à voix basse de ce qu’elles feraient si une chance de s’échapper se présentait. Même si l’espoir d’une telle occasion les avait depuis longtemps abandonnées, l’idée de tuer leurs maîtres malfaisants et de s’enfuir, enfin libre, dans les collines, apaisait quelque peu leur souffrance.

Un jour, alors que Tchi contait l’histoire de leur retour triomphant vers les rives du Serpent, un petit couteau servant à récurer les sabots des chevaux passa à travers une fissure dans le plafond et atterrit près des deux esclaves. Mara et Tchi regardèrent d’abord le couteau, puis se tournèrent l’une vers l’autre. Comme un seul donneur-de-nom, elles attrapèrent la minuscule lame. Des heures durant, elles tentèrent en vain de briser le verrou de leurs chaînes, de desceller les anneaux du mur et de forcer sur leurs entraves pour libérer leurs jambes. Finalement, épuisée et désespérée, Mara frappa violemment l’un des cercles de fer. Le couteau ripa sur le métal et se planta dans sa cheville. Mara hurla, et le son de sa propre voix la plongea dans une frénésie pleine de souffrance et de colère. Sans s’arrêter, elle entailla son pied blessé. Tchi la supplia de cesser, mais s’aperçut bien vite que la folie de Mara constituait un moyen sûr de s’échapper, le seul qui leur restait. Alors que le couteau lacérait les muscles et les os de Mara, Tchi déchira une bande de cuir de son pourpoint et la serra autour de la cheville de son amie pour stopper l’hémorragie. Tchi s’empara ensuite du couteau et, maintenue par Mara, commença à se rancher le pied. Appuyées l’une sur l’autre, elles s’enfuirent dans la nuit.

Elles marchèrent pendant deux jours, se soutenant mutuellement lorsque l’une d’elles vacillait. Constamment à l’affût de nourriture, d’eau et d’éventuels poursuivants, elles rejoignirent les montagnes au nord. Une fois, alors qu’elles restaient blotties sous la surface des eaux glacées d’un ruisseau dissimulé par quelques buissons rabougris, les esclavagistes passèrent à quelques mètres de leur cachette. Pendant leur pénible traversée des cols montagneux, Mara fut prise de fièvre, et Tchi, incapable d’abandonner là son amie, prit tendrement soin d’elle et l’éloigna des affres de la Mort. Et pendant tout ce temps, les esclavagistes les pourchassaient, les bêtes sauvages les harcelaient, et aucun refuge contre le Châtiment ne les attendait, car elles étaient toutes deux bien trop loin de leurs foyers. Elles ne pouvaient compter que sur elles-mêmes et c’était tout ce qui leur restait. On raconte qu’elles se cachèrent dans les montagnes pendant des semaines avant de trouver un kaer où les habitants les accueillirent. Jusqu’à leurs morts, ces deux femmes se vouèrent une amitié sans faille et vécurent ensemble en s’entraidant dans l’accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Personne ne pouvait comprendre les souffrances qu’elles avaient partagées, ou l’amour et le soutien qu’elles se vouaient.

Lorsque le Châtiment prit fin des centaines d’années plus tard, un des membres de notre fondation découvrit les pieds tranchés de Tchi et de Mara, toujours liés par leurs fers et étrangement bien préservés. Et aussi longtemps que l’amitié et la confiance demeurera dans le monde, les pieds ne se détérioreront jamais.

Idées d’aventures

Depuis l’époque pendant laquelle vécurent Mara et Tchi, les Pieds enchaînés de l’Amitié sont devenus de puissants trésors magiques. Bien qu’à peu près tout le monde ait entendu la légende associée aux pieds, peu de gens dans Barsaive ont déjà réellement vu cet artefact. Les personnages peuvent se retrouver en possession des pieds de différentes manières. Ils peuvent les avoir trouvés dans un ancien kaer ou une vieille citadelle, ou rencontrer des voyageurs ou des aventuriers qui les ont alors en leur possession. Les Pieds enchaînés de l’Amitié peuvent, par exemple, être en possession d’une petite troupe d’artistes itinérants qui organisent des spectacles et parcourent lentement Barsaive à la recherche de méthodes rapides pour gagner ou voler leur pitance. Mis à part les Pieds enchaînés, les gitans exhibent également une chèvre à deux têtes, un petit homme farfelu et très poilu (un singe), la tête réduite d’un supposé dragon et bien d’autres bizarreries.

Informations pour le jeu

Les Pieds enchaînés constituent un objet magique dont les capacités sont données dans l’article :Les Pieds enchaînés.




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Les pieds enchaînés de l’Amitié
Une légende de Barsaive
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