Le Parlement des Sirènes

Accueil > Earthdawn > Le Quatrième Monde > Légendes > Le Parlement des Sirènes (par Inky)

Dans les jours anciens, alors que les T’skrangs nageaient leurs premières brasses dans le fleuve Serpent, nous partagions le Grand Fleuve avec une race d’étranges créatures nommées sirènes. Ces sirènes nous causèrent bien des soucis, même si elles n’égalaient pas les terribles Horreurs ou les maléfiques esclavagistes thérans sur ce point. Il est vrai que les elfes en avaient peur, car il arrivait qu’elles kidnappent des enfants elfes pour les transformer en sirènes, mais nous n’avions pas peur d’elles, car elles étaient comme nous. Elles parlaient, et chantaient, et racontaient des histoires, elles construisaient des maisons pour y vivre, elles aimaient leurs enfants et désiraient être en paix avec leur voisinage. Mais ce n’est pas parce que vous le désirez que vous êtes un bon voisin, et malheureusement les sirènes ne l’étaient pas. Elles pensaient qu’elles étaient plus belles à admirer qu’un lever de soleil, que leurs blagues étaient plus drôles que celles des autres, que leurs voix étaient plus agréables à entendre que le son du vent gonflant des voiles.

Et parce qu’elles se croyaient incapables de faire les choses de travers, elles ne comprenaient pas pourquoi nous ne les aimions pas. Elles s’étaient liées d’amitié avec les poissons que nous mangions, les avertissant de l’arrivée de nos bateaux, et nous rentrions bredouilles de la pêche. Elles batifolaient et jouaient dans le fleuve sans prêter la moindre attention aux trajectoires de nos bateaux, et finissaient souvent par les renverser, accidentellement ou non (il faut savoir que tout ceci est arrivé bien avant qu’Upandal ne nous aide à découvrir le secret des machines à feu, et les bateaux que nous utilisions à l’époque étaient fragiles et faciles à faire chavirer comparés à ceux que vos mères et pères utilisent aujourd’hui). Et quand elles renversaient nos bateaux, nous perdions donc nos prises de la journée. De plus, les sirènes étant des êtres faits d’eau élémentaire, elles pouvaient se glisser sous les portes de nos foyers et s’y installer comme si elles étaient chez elle. Et quand leurs agissements et leurs mauvais tours nous mettaient en colère, elles ne s’excusaient même pas. À la place, elles se moquaient de nous, car elles trouvaient ces méchancetés qu’elles nous faisaient très drôles.

Un jour, nous, T’skrangs, en eûmes assez. Déterminés à contraindre les sirènes à stopper leurs sottises et à nous laisser tranquilles, la sage Rossaruss et son hardi compagnon, T’Chakru, décidèrent de se présenter au Parlement des Sirènes pour plaider notre cause. Le Parlement était aux sirènes ce que l’aropagoï est aux T’skrangs, bien que leur Parlement était bruyant et désordonné comparé à la manière dont nous, T’skrangs, gérons nos affaires. Le Parlement se réunissait dans un grand palais immergé, un bâtiment d’une majesté admirable mais d’une utilité discutable. Ses couloirs tournaient et s’entortillaient pour n’aboutir sur rien. Ses pièces étaient de formes étranges et embrouillaient la vue. Ses escaliers ne menaient nulle part, et il était impossible de distinguer quelque chose à travers les nombreuses fenêtres. La seule pièce qui fût jamais utilisée dans ce palais gigantesque et insensé était le Grand Hall des Discussions, où les sirènes se réunissaient pour se disputer, ou s’entrainer à faire des blagues sur tous ceux qui s’y présentaient.

Rossaruss et T’Chaku nagèrent jusqu’au Parlement et se firent ouvrir les portes du Grand Hall des Discussions, où Rossaruss prit la parole devant les sirènes assemblées. Mais les fières sirènes rejetèrent ses accusations. Elles clamèrent que le Grand Fleuve était leur propriété, et dirent que nous devrions être honorés qu’elles pénètrent ainsi chez nous et qu’elles chavirent nos navires. Elles commencèrent alors à chanter et à jouer de la lyre pour Rossaruss, pensant que la beauté de leur représentation suffirait à leur faire pardonner leurs mauvaises actions.

Mais Rossaruss était très maligne, et savait que les sirènes diraient ce genre de choses idiotes. Alors que les sirènes jouaient et chantaient, Rossaruss murmura à T’Chakru d’examiner certains des poissons présents au Parlement. T’Chakru les regarda un à un, et mémorisa leurs apparences : il y avait un gros bar avec un motif ressemblant à une roue sur le flanc gauche, deux carpes aux yeux verts et brillants, trois brochets avec de larges nageoires ressemblant à des mains, et une anguille, aussi longue que sept bateaux-mouches.

L’audacieux et brave T’Chakru passa une longue année à chasser ces poissons, avant d’avoir pu capturer chacun d’eux. Il les emprisonna alors dans des cages subaquatiques, les cachant ainsi aux yeux de tous. Peu de temps après, les arrogantes sirènes convoquèrent Rossaruss au Parlement, et lui demandèrent de leur retourner leurs subalternes. Le bar était leur huissier, dirent-elles. Les deux carpes gardaient leurs pensées et leurs souvenirs. Les trois brochets étaient en charge des vols d’enfants, et l’anguille se trouvait être leur représentante auprès des Passions. Rossaruss refusa de délivrer les poissons, et les sirènes entrèrent dans une telle colère qu’elles menacèrent de quitter le fleuve Serpent (et ce monde) jusqu’à ce que Rossaruss satisfasse leurs exigences. Cette menace était exactement ce que Rossaruss attendait. Poliment, mais fermement, elle refusa une nouvelle fois et leur souhaita un bon séjour dans l’autre monde.

Ces mots prirent les sirènes au dépourvu. Elles ne pouvaient s’imaginer que Rossaruss désirait risquer de perdre leur compagnie si agréable. Mais les sirènes étaient trop fières pour revenir sur leurs paroles, et elles commencèrent les préparatifs pour se rendre dans un autre monde. Même au dernier moment, alors qu’elles empruntaient le pont reliant ce monde et le nouveau qu’elles avaient choisi, les fières sirènes s’attendaient à ce que Rossariuss revienne sur sa décision, promette de délivrer les poissons et les implore de rester. Mais Rossaruss leur fit simplement ses adieux, tout en souriant.

C’est depuis ce jour qu’il n’y a plus de sirènes dans le fleuve. Et si jamais, par le plus grand des hasards vous trouvez une cage dans laquelle un étrange bar nage avec deux carpes, trois brochets et une anguille, laissez-les ainsi ! Personne ne veut que ces pestes reviennent !

Informations de jeu

Le maître de jeu peut introduire cette légende à travers une histoire racontée dans un village t’skrang. Voici un exemple d’introduction pour une telle histoire :

Dans leur maison de pierre, dans le lit du fleuve Serpent, les enfants de la fondation Sr-k-k-jreel sont assis en cercle autour d’une vieille femme qui porte le nom de leur clan. Leurs queues s’entortillent et se tapent l’une l’autre avec excitation, et ils parlent à voix basse, prêts à entendre ce qui allait suivre. Ce soir, on leur a promis une histoire. Sr-k-k-jreel, assise sur son tabouret, se penche en avant et leur sourit à pleine dents. Quand tous les petits yeux jaunes sont braqués sur elle, elle prend la parole.

Les sirènes existent-elles ?

Et bien, peut-être… Comme c’est le cas avec toutes les légendes d’Earthdawn, chaque meneur de jeu détermine leur véracité dans ses parties. L’une de ces vérités peut être que ces « sirènes » sont des esprits élémentaires de l’eau qui ont pris la forme de sirènes. Les poissons de cette légende, ceux que Rossaruss utilise pour duper les sirènes, sont les clefs qui permettent à ces esprits de subsister dans le monde physique.

Un maître de jeu désirant présenter un challenge à des joueurs qui aiment explorer des complexes souterrains dangereux peut utiliser la légende du Parlement des Sirènes pour leur offrir un défi intéressant. Une telle aventure peut être amenée par un mécène qui a entendu parler des exploits des personnages et qui désire les engager pour étudier un réseau de cavernes qu’il a découvert au cours de longues recherches dans la Bibliothèque de Throal. Il pense qu’il a trouvé l’endroit où le héros t’skrang T’Chakru a caché les subalternes immortels du Parlement des Sirènes . Il offre aux personnages une grosse récompense s’ils arrivent à trouver les poissons et à les relâcher dans le fleuve Serpent. Malheureusement, cela veut dire que les sirènes reviendront du plan élémentaire de l’eau pour retourner dans Barsaive. Le mécène peut avoir une dent contre les t’skrangs, et désire les tourmenter en repeuplant le fleuve avec ces anciennes fauteuses de trouble. Ou il peut être un ambitieux marchand qui désire faire des affaires avec les sirènes, car il s’imagine que ces dernières peuvent lui procurer de nombreuses pièces d’eau élémentaire.

Bien que traverser les cavernes soit aussi difficile que d’habitude, le véritable challenge pour les personnages sera de transporter un banc de poisson (dont l’un d’eux est gigantesque) à travers les étendues sauvages de Barsaive jusqu’au fleuve. Bien sûr, la fêlure d’un des aquariums pourra ponctuer cette étape de leur voyage. Des esclavagistes ou des bandits pourront également considérer le groupe comme une proie facile, avec des personnages concentrés avant tout sur le transport des aquariums. Et si ce n’est pas assez, tous les t’skrangs que les personnages croiseront reconnaîtront les poissons et feront tout pour qu’ils n’atteignent jamais le fleuve. Et tout elfe ayant de bonnes connaissances en mythologie fera de son mieux pour stopper les aventuriers s’il comprend ce qu’ils s’apprêtent à faire. Car les elfes ne se souviennent pas des sirènes comme des pestes trop fières, mais des kidnappeuses d’enfants sans remord.


Téléchargez ce parchemin (format .pdf, 315 ko) :

PDF - 315.3 ko
Le Parlement des Sirènes
Une légende de Barsaive
Enregistrer au format PDF