La fontaine de Terre

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Comme l’a souhaité mon fils Lorix, j’ai inclus le récit suivant dans ce volume. Ce texte, et la carte qui l’accompagne, ont soulevé plus de questions que de réponses à propos de l’endroit périlleux qui y est décrit.
• Thom Edrull, archiviste et scribe de la Salle des Archives, 1508 TH •

Nous avons atteint un endroit véritablement abandonné par les Passions et par l’univers lui-même, je dois dire. La rue la plus crasseuse de Jerris est paradisiaque en comparaison ; j’espère que nous pourrons y retourner... J’aurais dû écouter mon vieux père : il disait qu’un nain n’est pas fait pour traîner dans les régions sauvages de Barsaive à la recherche de je-ne-sais-quoi ou qui, et il avait raison. J’ai de la poussière plein la bouche et jusque dans la gorge, et toute l’eau du monde ne peut étancher la soif qu’elle provoque. Les moucherons me dévorent aussi. Mon corps est devenu une énorme démangeaison. Une cape supplémentaire pourrait les empêcher de s’en prendre à ma peau délicate, mais avec cette chaleur, je vais faner plus rapidement que les premiers blés lors d’une sécheresse. Non, il n’y a rien à faire à part endurer la souffrance en espérant que ce qui nous attend en vaille la chandelle. Le danger des combats ne me fait pas peur et je sais le gérer, mais cette contrariété lancinante m’obsède et m’est insupportable. Je ne dois pourtant pas me plaindre. Ce n’est pas bon pour le moral de se plaindre. Et en tant que nain, je me dois de donner l’exemple.

Nous sommes ici depuis déjà plusieurs jours, et nous n’avons rien vu. Je n’aime pas le dire lorsque Varok peut entendre (le vieil ork est si fier de son bout de parchemin déchiqueté), mais je me demande si cette chose qu’il s’entête à considérer comme « une carte menant à un trésor ancien » n’est rien de plus qu’une farce d’écolier. Je ne suis pas un expert en matière d’antiquités, mais j’ai déjà réussi à vieillir l’aspect d’un parchemin neuf en le trempant dans du thé et en le froissant par endroits (j’ai été renvoyé de l’école des scribes de la Bibliothèque à cause de ça d’ailleurs, mais c’était tellement drôle de voir leurs têtes lorsqu’ils sont tombés dessus pour la première fois). Varok est suffisamment intelligent et il en connait un rayon sur l’histoire ancienne de Barsaive, mais même les plus intelligents peuvent être trompés. Qui peut dire que ce n’est pas le cas aujourd’hui ?

Cinq minutes de repos au sommet de la crête, ordonne Marelie. Varok ronchonne, mais Marelie est notre chef et sa parole fait loi. Grâce lui soit rendue, car mes pieds me font un mal de chien.

Voilà quelque chose d’étrange. En contrebas, en bordure des plaines désolées, il y a une sorte de… chatoiement… dans l’air. Et le vent est soudain empli d’une odeur puissante, celle de la terre humide.

Nous installons notre campement non loin de cet endroit chatoyant. À vrai dire, nous sommes tombés sur une merveille ! Quelque part derrière cette espèce de voile, une véritable fontaine de terre élémentaire nous attend. C’est la seule explication, dit Vardok, et je pense qu’il a peut-être raison. Régulièrement, des fragments de terre élémentaire jaillissent de derrière le chatoiement pour atterrir à nos pieds, comme de l’eau d’une fontaine. C’est un spectacle stupéfiant : si Père était présent, lui-même n’en reviendrait pas ! Le sol est couvert de terre élémentaire. Notre campement est installé au sommet d’une véritable fortune, et il en apparait toujours plus pour remplacer celle que nous ramassons. Je dois m’excuser auprès de Vardok ; il est écrit sur son marceau de parchemin qu’il existait ici, dans la Désolation, « une incommensurable richesse », et nous l’avons trouvée là où il l’avait prévue. Il est toutefois étrange que sa carte n’indique pas exactement en quoi consiste cet endroit. Vardok prépare sa plume et son encre ; je crois qu’il s’apprête à rectifier cette petite erreur. Un maniaque du détail, ce Vardok.

Le vent se lève. Il n’y a pas de pierre de taille suffisante pour arrimer ma tente. Ah, pour sûr, je savais que ma ceinture à outils s’avèrerait utile lors de cette expédition. Quelques burins et un marteau de sculpteur sur pierre feront largement l’affaire !

La lumière se meurt au fur et à mesure que j’écris ces lignes, et mon petit feu ne m’apporte aucun réconfort. Je n’ai jamais eu peur du noir, même quand j’étais enfant… jusqu’à maintenant. Mes mains tremblent tellement il m’est difficile de continuer à écrire, mais je dois pourtant raconter la fin de cette histoire, au cas où je ne pourrais revenir sain et sauf à la civilisation. Il est de mon devoir de prévenir les fous qui entreprendraient de suivre notre exemple.

Nous aurions dû nous douter que cette découverte était trop belle pour être vraie. La fortune a toujours un prix, qu’ils disaient. Sans m’en douter et avant même d’avoir la chance de dépenser ces gains, honnêtement acquis ou non, la mort pourrait bien être ce prix à payer.

Vardok fut le premier à passer à la caisse. Ce vieux fou écervelé a tenté un truc magique bizarre que je n’ai pas vraiment compris : il voulait passer à travers le voile pour observer de plus près la fontaine, s’il s’agissait bien d’une fontaine. Son sortilège a réveillé quelque chose : un piège magique, une Horreur, ou quoi que ce soit d’autre. Le sol s’est ouvert sous ses pieds et l’a englouti. Nous avons entendu ses cris lors de son interminable chute, jusqu’à ce que la fissure se referme derrière lui. Après ça, Marelie a ordonné de lever le camp, et personne ne l’a contredite. Sans magicien, nous n’avions aucun moyen de combattre la magie sournoise ou l’éventuelle Horreur que nous ne parvenions pas à discerner. Nous sommes donc partis. Nous avons marché quatre heures avant d’installer le campement pour la nuit, pour mettre le plus de distance possible entre nous et cette maudite fontaine. Nous pensions que c’était suffisant, et les chevaux ne pouvaient de toute façon pas faire un pas de plus. Nous avions tort.

Le tremblement de terre m’a réveillé au moment où Marelie a glissé dans une crevasse, suivie par une pluie de gravats. Cette crevasse n’était pas là quelques heures auparavant ! De grandes fissures s’ouvrirent et brisèrent le sol alentour, nous laissant quelques petits îlots de roche solide sur lesquels nous accrocher, priant pour ne pas lâcher prise. Mon pauvre cousin Dinchas, que j’ai persuadé de nous accompagner dans cette équipée sauvage malgré ses protestations, fit une chute mortelle alors que la roche se disloquait peu à peu sous ses pieds. Je suis demeuré seul, accroché à mon minuscule bout de roche, jusqu’à ce que le tremblement de terre diminue d’intensité et que le sol se recompose et reprenne peu à peu son aspect d’origine.

Et voilà où j’en suis, dépité et priant pour que la chose qui a emporté et tué mes camarades ait son comptant de sang et me laisse en paix. Par mesure de sécurité, j’ai préféré abandonner toute la terre élémentaire puisée de la fontaine. Autant que je sache, ces fragments portent la malédiction d’une Horreur.

Je veux juste rester en vie. Au nom de l’Univers, c’est tout ce que je demande. Faites que je survive pour que je puisse ramener le parchemin flétri de Vardok à la Grande Bibliothèque et faire en sorte que personne n’approche la fontaine de terre élémentaire. Certaines richesses ne valent pas le prix à payer pour les obtenir.

Idées d’aventures

La « fontaine » de terre élémentaire décrite dans cette histoire est en fait un portail qui s’est ouvert naturellement et qui offre un passage entre le monde physique et le plan élémentaire de la Terre. Une fois tous les 10 à 12 jours, 1 ou 2 fragments de Terre élémentaire jaillissent du portail, incitant les observateurs à considérer, à tort, cet endroit comme une fontaine. À moins que quelqu’un ne les ramasse, les fragments sont simplement absorbés par le sol en quelques jours.

Comme suggéré par le journal d’aventures, le portail est gardé, mais pas par une Horreur. Le gardien de ce portail est en fait un esprit de la terre de puissance 3. Il demeure près du portail et empêche quiconque de piller le plan de la Terre. Au fil du temps, l’esprit s’est perverti au contact de l’espace astral Corrumpu dans lequel il vit, lié à la localisation physique du portail, profondément enfoui dans la Désolation. Au contact de cette corruption, l’esprit a développé un pouvoir similaire à celui des Horreurs : la Corruption de karma. Cette corruption a également modifié la forme physique de l’esprit, et les donneurs-de-noms qui l’ont aperçu pensent à tort que c’est une Horreur. (Voir la description des esprits et de leurs pouvoirs p.358 du Recueil du maître de jeu).

L’esprit de la terre tente d’effrayer quiconque souhaite s’approcher du portail, en matérialisant sa forme physique dans le monde matériel. Si les intrus persistent, il attaque à l’aide de son pouvoir de Lance. En cas d’échec, il attaque avec ses pouvoirs d’Engloutissement et d’Élément déchaîné. L’esprit possède également le pouvoir d’Horreur Corruption de karma (voir p.441 du Recueil du maître de jeu).

Le parchemin décrit dans cet article est une page issue d’un journal d’aventurier. Le recto dépeint une carte qui indique la localisation du portail, près de Jerris, ainsi que des notes incomplètes sur l’approvisionnement nécessaire pour accomplir le trajet. Un minimum de six jours ardus à dos de monture est nécessaire pour atteindre le site au départ de la cité. Sur le verso du parchemin est dessinée une carte des cavernes, partiellement tâchée et abîmée par des empreintes de doigts ensanglantés. Des notes à la marge indiquent qu’une Horreur se tapit à l’intérieur. Le texte se résume en fait à cette phrase : « Une fois l’Horreur défaite, nous avons ramassé en toute hâte ce qu’il était possible de transporter avant qu’elle ne récupère… » Malheureusement, le reste de ces notes sont illisibles.

Les aventures s’inspirant de ce conte peuvent typiquement débuter lorsque les personnages joueurs cherchent à découvrir, d’après les légendes, en quoi consiste une fontaine de terre élémentaire, pour finir par la rencontre avec un puissant adversaire. Si les personnages parviennent à vaincre ou à éviter l’esprit, peut-être en le bannissant, ils pourront approcher le portail et récupérer 3 ou 4 fragments de Terre élémentaire. Mais plus important encore, ils auront l’opportunité d’examiner la fontaine. Tout Élémentaliste qui réussit un test de demi-magie basé sur la Perception contre un Seuil de difficulté de 7 reconnait la véritable nature du portail. Les Nécromanciens doivent réussir un test de demi-magie contre un Seuil de difficulté de 9 pour parvenir à la même conclusion.

Cette découverte peut aboutir à de nombreuses aventures différentes. Par exemple, les personnages joueurs peuvent croire qu’il est possible d’entrer dans l’espace astral en franchissant le portail, sans réaliser qu’il mène en fait au plan de la Terre. De plus, le portail est situé dans une zone Corrompue de l’espace astral, et les personnages joueurs qui tenteront d’entrer dans l’espace astral par son intermédiaire se retrouveront dans un environnement mortel et une situation hautement périlleuse.

Esprit de la Terre (Puissance 3)

Vous trouverez plus de détail sur cette créature dans le Recueil du maître de jeu, p.370.


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La fontaine de Terre
Une légende de Barsaive
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