Le Roi qui gouverna les Passions

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Il y a de cela fort longtemps, le pays de Thamos était en paix.
Effarouchée par un aigle aussi cruel qu’inattendu,
La Reine Uurnolia rejoignit le Nord [1] dans l’année.
C’est à Maxton qu’échut le trône constellé de joyaux,
Lui qui avait la stature large, l’œil vif, mais l’esprit sombre.
C’est à Maxton qu’était fiancée la jeune Releel,
Elle qui avait le rire facile, le pied léger mais si peu d’expérience de la vie.

Arrivèrent rois et reines de tous pays,
Pour entendre prononcer les vœux du roi Maxton et de la reine Releel.
Lors du banquet, Maxton prit la parole : « Je suis la Joie personnifiée.
Thamos est en paix, et dans les yeux de ma douce je me suis noyé.
Personne ne souhaiterait être plus comblé ! »
Releel s’était alors levée : « Gracieuse Majesté,
Sachez que vous êtes l’unique Seigneur de ces deux choses que vous citez.”

Éloigné du Trône, assis dans un siège des plus humbles,
Paré d’une robe miteuse où dansaient les couleurs de l’arc-en-ciel,
Un questeur du farouche Vestrial riait.
Le questeur parla : « De bien des choses, tu peux être le seigneur.
Pourtant n’oublie jamais que bien au-dessus de ta tête les Passions demeurent. »
Alors que le feu lui gagna les joues, Maxton répondit :
« Je n’accepterai pas d’être ridiculisé en ma demeure par un bouffon décati ! »

Aux rois et reines assemblés, Maxton déclara :
« Je ne sais comment se passent les choses en votre royaume, mais ici je suis seul roi ! »
La rage et la honte se mirent à bouillir
Alors que le cœur gonflé d’orgueil, Releel le regardait.
Aux hérauts royaux fut annoncé le décret :
Tous les questeurs devaient se soumettre ou mourir.

En premier Maxton s’adressa à celui qui avait dérangé ses noces.
« Retire tes paroles, si tu ne veux pas d’une mort précoce. »
« Mes mots je les retirerai » répondit le bouffon décati,
« Mais leur vérité, grand roi, personne ici ne pourra l’altérer. »
Maxton dit alors : « Comme tes pairs, tes propos sont fantasques. »
« La vérité est ainsi faite », répondit le bouffon en souriant.
Et il souriait encore alors que des lames aiguisées transperçaient son cœur.

L’arrogance fut mise de côté chez de nombreux questeurs,
Qui n’hésitèrent pas à baiser les pieds de leur nouveau seigneur.
Certains s’adaptèrent, déformant la parole des Passions
Autrefois fidèles à leur maître, ils feignaient désormais d’en servir deux.
D’autres donnèrent leur vie, un bien moindre prix
Que trahir les Passions à qui ils avaient prêté serment.
Ceux là souillèrent les lames des hommes de Maxton de leur sang.

Maxton finit par avoir les cheveux blancs et par perdre ses dents
Et la belle fleur Releel avait depuis longtemps fané
Quand enfin la victoire sur les questeurs fut déclarée.
Violents et effroyables, roi et reine exultèrent
Jusqu’à ce que les portes du palais tremblèrent
Sous la force de douze coups, puissants comme le tonnerre.

« Qui donc désire entrer en ce lieu ? » interrogea le roi.
« Ceux qui acceptent que tu les gouverne », répondit une voix.
Tout-à-coup la porte s’ouvrit. Douze Passions se tenaient derrière.
Thystonius, la Passion guerrière, jeta son arme au sol.
« Notre cause est perdue », avoua la rebelle Lochost.
« Nous nous agenouillons, et nous t’appellerons roi désormais. »
Et Vestrial, le pitre Vestrial, souriait.

Maxton accepta la fidélité des Passions,
Et en fit même des serviteurs de son donjon.
Jaspree s’occupa des glorieux jardins,
Floranuus cousit des vêtements fabuleux,
Pendant que Garlen faisait de miraculeux soins
Et que Chorrolis faisait apparaître de l’or des cieux.

Lochost et Thystonius combattirent amicalement
Lors d’un spectacle en l’honneur du roi puissant.
Dis eut pour idée un palais labyrinthique
Que la fière Upandal s’empressa d’ériger.
Raggok parcourut le monde en tant qu’émissaire,
Et Mynbruje s’installa au Palais de Justice
Pesant les arguments de donneurs-de-noms plein de vices.

Astendar tira de son luth des chants de tristesse
Alors que roi et reine soupaient en tête à tête,
Et Vestrial, le pitre Vestrial, souriait.
Car Maxton, du jour où il les avait engagées
Avait scellé son destin à jamais.
Son destin, et celui de toute la contrée.

Les coups de Thystonius et ceux de Lochost s’égarèrent,
Abattant par mégarde les plus fines lames du royaume.
Raggok forgea des liens si forts avec les nations alliées
Que Maxton le rusé ne pouvait plus les trahir.
La justice de Mynbruje frappa trop fort, trop de fois,
Et tout l’or de Chorrolis ne pouvait assumer le coût.
Et Vestrial, le pitre Vestrial, souriait.

Les robes de Floranuus étaient un véritable enchantement.
Tous ceux qui les voyaient mourraient, hypnotisés.
Et tous les soins prodigués par Garlen ne pouvaient les ramener à la vie.
Un par un, le puissant Thamos perdit son véritable trésor –
Les sujets de l’orgueilleux roi et de sa reine –
Jusqu’à ce que demeurent seuls Maxton et Releel,
Errants dans un palais vide et sans réponse à leurs appels.

Imaginé par Dis, bien trop farfelu pour des esprits mortels,
Construit par Upandal, bien trop solide pour tomber,
Jusqu’à ce que le jardin sauvage de Jaspree en étouffe les pierres.
Alors la tristesse dans les chansons d’Astendar devint réalité,
Et le Roi Maxton et la Reine Releel fous à lier,
Les Passions prirent congé en laissant derrière eux Thamos, ruiné.

Et Vestrial, le pitre Vestrial, souriait.
Point de poète n’est requis pour comprendre
Le sens de ce triste conte, ce qu’il faut en apprendre.
Thamos est mort depuis longtemps, ses beautés envolées,
Mais les mots restent, et ses morts semblent nous parler :
« Les Passions gouvernent les donneurs-de-noms, et non l’inverse », semblent-ils dire,
« Et tous ceux qui l’oublient doivent s’attendre à voir Vestrial sourire. »

Idées d’aventures

Le poème présenté dans la légende est le Chant XIV du poème épique De ces Gens de Gouvernance disparus depuis longtemps, attribué à la poétesse naine Pericad. La plupart des lettrés barsaiviens s’accordent à dire que son nom était lié aux travaux de nombreux poètes parmi les premiers, et sur plusieurs siècles. Ils pensent qu’elle n’a pas véritablement existé et que ce poème est plus certainement composé de plusieurs poèmes indépendants à l’origine.

Comme toutes les légendes, celle-ci peut être véridique ou non. Dans tous les cas, cette légende possède une morale claire : les Passions gouvernent les donneurs-de-noms et non l’inverse (comme le dit le dernier couplet). Si la légende n’est pas considérée comme réelle et qu’elle n’est racontée que pour sa morale, le maître de jeu peut l’utiliser comme prélude à n’importe quel type d’aventure impliquant les Passions ou des questeurs. De plus, si les pas des aventuriers les emmènent dans une région reculée de Barsaive où le culte des Passions s’est perdu pendant le Châtiment, cette légende peut être utilisée pour rappeler aux habitants de cette région les Passions et leurs relations avec la société des donneurs-de-noms.

Si le maître de jeu décide que cette légende est véridique, de nombreuses possibilités d’aventures peuvent en découler. Voici l’une d’entre elles.

Si les personnages sont des membres assez respectés dans leur profession, le royaume de Throal peut leur demander d’enquêter sur le meurtre d’un éminent lettré de la Bibliothèque de Throal : Algemicor de Throal, l’éditeur de la nouvelle édition du De ces Gens de Gouvernance disparus depuis longtemps. Algemicor fut assassiné dans la bibliothèque en dehors des heures d’ouverture, ce qui indique que le meurtre semble avoir été perpétré par l’un de ses collègues. Et comme la plupart des fonctionnaires de haut-rang de la bibliothèque ont des liens étroits avec la famille royale, l’enquête doit être menée avec impartialité, raison pour laquelle des étrangers à la bibliothèque ont été engagés.

Après avoir trouvé et déchiffré les notes d’Algemicor, les aventuriers découvrent qu’il était obsédé par un passage en particulier de la légende. Dans d’autres documents, il a découvert des rapports concernant un ensemble d’anciennes ruines, enterrés sous des couches d’édifices postérieurs, et qui pouvait être le deuxième palais de Maxton et Releel – celui construit par Upandal et imaginé par Dis. La légende raconte que le résidu des Passions a jeté une malédiction sur le lieu, car trop de leurs bienfaits peut devenir une mauvaise chose. Mais étant donné que trois Passions sont devenues folles, Algemicor a réalisé que les seules traces de leur essence originale et non-corrompue demeuraient dans les restes du palais de Maxton. Il pensait que si ces restes pouvaient être récupérés d’une quelconque manière, les Passions folles pourraient retrouver leurs esprits.

Malheureusement pour lui, le personnel de la bibliothèque a été infiltré secrètement par des questeurs de Dis. Quand il révéla sa théorie à l’une d’entre eux, elle devint horrifiée à l’idée d’un Dis rétabli et l’a tué. Une fois que les aventuriers mettent à jour la cellule des questeurs fous dans la bibliothèque, ils peuvent tenter de poursuivre le but d’Algemicor en cherchant le palais de Maxton. Bien sûr, d’autres questeurs de Dis ont été alertés et tenteront de tour faire pour mettre des bâtons dans les roues des personnages.

Si les aventuriers réussissent à atteindre le palais et récupérer un artefact imprégné de l’essence de Dis, Vestrial et Raggok, il ne s’agira alors que du commencement. Ensuite, ils devront découvrir la façon d’utiliser l’artefact pour rétablir les Passions, si une telle chose est possible. Cette mission pourra servir de toile de fond à toute une série d’intrigues savantes et de quêtes vers l’inconnu, alors que les personnages résolvent ce puzzle métaphysique une pièce à la fois.


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Le roi qui gouverna les passions
Une légende de Barsaive
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[1] « Rejoindre le Nord » est une ancienne expression pour dire « mourir ».