Chroniques de l’éclaireur - épisode 16

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La grande retraite

Ces quelques jours de voyage solitaire me permirent de faire le point sur les derniers événements. Nous étions en train de nous embarquer dans un drôle de truc sans vraiment avoir de vision claire sur ce qui se passait et sur notre lien avec tout ceci.

J’appréciai aussi le fait d’être seul et de ne plus devoir attendre le groupe, ne plus sursauter lorsque l’un d’entre eux marchait sur une branche morte (ils avaient beau nier : je suis sûr qu’ils le faisaient exprès !) et de me fondre dans l’environnement sans crainte. Aussi étrange que cela paraisse, je me sentais encore plus en sécurité qu’avec Gothzul et Thregaz derrière moi.

Toutefois, après deux jours, la solitude me gagnait déjà et le groupe me manquait. Ces derniers mois, nous avions tissé des liens forts et j’en étais le premier surpris. Thregaz était une force brute mais c’était aussi un compagnon loyal et attentionné. Gothzul, au-delà de son franc-parler et de son caractère bourru, avait des qualités que je n’aurais pas soupçonnées chez un ork ; il s’était intégré au groupe avec aisance et en constituait un des piliers. Jeb restait égal à lui-même, son bon sens nous était tout aussi utile que sa magie. So’tek était tout aussi attachant à sa manière, mystérieux et discret par moments, serviable et capable de coups de génie. Bref, un groupe auquel j’étais assez fier d’appartenir. J’espérais que tout le monde était bien arrivé au Bac sain et sauf, notamment Gothzul qui était encore souffrant.

En arrivant au Bac de Drelin, mes compagnons m’accueillirent avec une joie et un soulagement qui me firent chaud au cœur. Quelques heures plus tard, Thregaz arriva à son tour, accompagné par deux autres trolls. En suivant la piste, il était arrivé au refuge d’un vieux troll qui avait quitté sa tribu par déshonneur. Ses cornes lui avaient été coupées par Amery il y avait bien longtemps et c’étaient celles que nous avions découvertes dans la cachette de son château. Le vieux troll fixa ses cornes retrouvées et, son honneur restauré, il pût emmener Thregaz dans son village. Là-bas, cette double arrivée fût dignement fêtée et Thregaz le fut encore plus lorsqu’il leur apprit qu’il était Ecumeur du ciel. Il n’y en avait plus dans le clan des Cornes Tordues et Thregaz négocia la possibilité de leur transmettre son savoir en échange de leur aide contre la horde d’orks. Les négociations ne furent guère difficiles et presque tous furent volontaires pour une grosse baston contre les vilains maraudeurs.

Bref, notre ami troll attendait près d’une centaine de ses congénères d’un jour à l’autre. Ils avaient prévus un peu de harcèlement dans les collines empruntées par les orks, en guise de hors-d’œuvre, histoire de les retarder et les affaiblir un peu avant la grande empoignade.

De son côté, Gothzul n’avait pas perdu son temps. A peine remis de ses blessures, il avait quitté le Bac de Drelin avec le plan retrouvé sur Koth. Il avait l’intention de l’apporter au seigneur de Brindol, le baron Lemak, afin de l’informer des plans des envahisseurs orks. Toutefois, en chemin, il rencontra une messagère du baron et il lui remit la carte pour qu’elle l’apporte à son seigneur. Il avait ainsi pu rentrer rapidement au Bac.

Le lendemain de notre retour, le conseil du village fut convoqué et notre présence était fortement souhaitée. Même si c’était sans grand espoir, une légère majorité se dégageait pour tenter de défendre le village. Avec la protection naturelle du fleuve et le renfort de cent trolls, plus des troupes d’autres villages, voire les nains des mines situées au nord, nous pensions avoir un mince espoir. Pour ma part, je commençais à être las de courir à droite à gauche et la cause était noble.

L’avis tactique de notre guerrier ork étouffa l’enthousiasme naissant des villageois aussi sûrement qu’un éteignoir éteint la flamme d’une bougie. Il argumenta sur le fait que la horde pouvait passer en amont ou en aval et avait certainement prévu quelque chose d’autre que le petit bac du village pour faire traverser ses milliers de combattants et ses centaines de montures. Une fois contourné, le village devenait tout simplement indéfendable. Imparable. Du coup, nous nous sentions tous très idiots d’avoir commencé à espérer, et très tristes de savoir que le village était condamné. Quelques instants plus tard, le conseil travaillait à l’évacuation du village et à un repli sur Brindol.

Pendant que les préparatifs débutaient, je proposai à mes compagnons de partir immédiatement pour Brindol afin d’en apprendre un peu plus sur la situation de la vallée et de délivrer nos informations au seigneur local. Selon les informations récoltées, je suggérai de tenter de forcer le blocus pour aller chercher du renfort à Throal. Tous furent d’accord, sauf Thregaz qui préférait attendre ses potes trolls et qui nous retrouverait à Brindol. Sorana, la capitaine de la milice du bac de Drelin décida de nous accompagner afin de prévenir les villages sur la route de ce qui les menaçait et qu’ils puissent préparer l’évacuation à temps.

Le trajet jusqu’à Brindol dura quatre jours. Quatre jours passés à délivrer de mauvaises nouvelles et à voir des visages angoissés, c’est très long. En plus, l’absence de Thregaz laissait un vide immense dans le groupe qui ne s’expliquait pas seulement par son gabarit.

Brindol était une jolie ville. Erigée sur une colline, les bâtiments importants jouissaient d’une belle vue et étaient mis en valeur. Revers de la médaille, il n’y avait pas beaucoup de terrain plat en ville. Elle était entourée d’une enceinte dont les murs avaient une épaisseur et une hauteur appréciable, hormis sur le côté longé par l’impétueuse rivière Olsir. Nous trouvâmes une auberge appropriée où nous établîmes nos nouveaux quartiers. Nous profitâmes de l’attente de notre ami troll pour poursuivre notre entraînement et parfaire quelques talents. L’arrivée de Thregaz et de ses trolls, escortant un long convoi de réfugiés, ne passa pas inaperçu. Moins d’une heure plus tard, nous reçûmes une convocation de la part du baron Lemak, le dirigeant de la ville et la plus haute autorité de la vallée. Pas le genre de missive que l’on peut ignorer sciemment.

Quelques instants plus tard, nous nous présentâmes aux gardes de l’entrée. Nous fûmes pris en charge par un officier qui nous amena jusqu’au baron. L’intérieur du massif bâtiment ne suintait pas l’ostentation, c’est le moins que l’on pouvait dire. La décoration était minimaliste et l’ameublement presque spartiate. Le baron n’était visiblement pas un sybarite. Une fois en présence du personnage, nous fûmes surpris de constater que c’était un ork. Tous, sauf Gothzul qui considérait la chose comme normale bien évidemment.

Le baron ne perdit pas son temps et, après nous avoir remercié pour notre aide et nous avoir passé un peu de pommade, il nous demanda de l’aider à nouveau en effectuant une exploration vers le sud, du côté du Noir Marais. Il est vrai que certaines annotations sur la carte de Koth nous avait intrigués… mais pas au point d’y aller ! Lemak perçut notre hésitation et proposa quelques centaines de pièces d’or de récompense. C’était quand même un peu difficile de l’envoyer balader, surtout après lui avoir ramené une petite armée de trolls. Il faut croire que certains adeptes ont le mot « pigeon » gravés sur le front…

Nous décidons de fêter dignement notre dernière soirée à l’auberge avant de repartir vers l’inconnu. Elle fut sans doute un peu trop arrosée car Gothzul se bagarra avec le dernier chargeur de Térath qui nous accompagnait jusque là. Bah, un de perdu…


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épisode 16
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