Fraternité

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Une courte nouvelle sur Closer, qui laisse poindre un petit indice sur sa vie privée...

A Tarislar, la nuit était noire et sans étoiles. Les éclairages publics ne marchaient plus depuis si longtemps, que seuls les plus vieux habitants se souvenaient les avoir vu un jour illuminer les rues du quartier.
Les phares des motos des Ancients éclairaient fugacement les murs des immeubles, qui répercutaient les vrombissements assourdissants des monstres métalliques, ainsi que les rires hystériques de leurs pilotes. Aussi étrange que cela puisse paraître, la population du plus gros quartier elfe de Seattle se sentait rassurée par cette présence bruyante. Le gang des Ancients avait apporté soutien et protection, à tous ceux que le Tir avait abandonné derrière lui. Et tous savaient que tant que des blousons de cuir arborant un A rouge hantaient ces rues, ils pourraient dormir sans crainte. Mais derrière le symbole du gang, apposé sur les murs noirs du plus grand immeuble du quartier, Sting devait s’assurer que cette situation perdure. En effet, les motos et les flingues ne se paient ni en gratitude, ni en reconnaissance.
La jeune elfe à la chevelure rouge-sang était d’une beauté à couper le souffle, et malgré sa posture désinvolte, son seul rang de chef des Ancients révélait la force de son caractère. A côté du fauteuil de sky déniapé dans lequel elle était avachie en fumant une clope, Closer se tenait aussi rigide et droit qu’à son habitude.
La forme de son corps athlétique se détachait à peine du mur derrière lui. Seul le reflet de l’ampoule sur son datajack et sur sa peau brune trahissait sa présence. Les humains à être un jour entrés dans ce bâtiment se comptaient sans doute sur les doigts d’une seule main. Il scrutait l’obscurité derrière les verres noirs de ses Ray-Ban bleus-sombres. Aucun mouvement ne trahissait la moindre nervosité, et son trench-coat bleu-nuit restait aussi lisse et immobile que l’eau dormante.

Sting coupa le silence, de sa voix aussi tranchante et cristalline qu’une épée de verre :
« Tu sais qu’t’es chiant comme mec ! »
Closer tourna la tête vers l’elfe, et esquissa un sourire :
« Il paraît que l’on ennuie souvent les gens qui nous ennuient », rétorqua-t-il. A la fin de sa phrase, plus aucune trace de son sourire ne subsistait sur son visage.
« Sans déconner, à quoi tu penses ? reprit la femme, après quelques secondes.
— A rien, je les écoute arriver », répondit froidement l’humain.

Sting se fixa, et sembla essayer de tendre au maximum ses fines oreilles pointues. Quelques minutes plus tard, on entendit les pas de deux hommes dans les couloirs : « C’est ici », dit l’un d’eux.
L’autre entra alors dans la pièce. Il s’agissait d’un elfe afro-américain d’une quarantaine d’années, vêtu d’un costume banal, et à l’air beaucoup trop anodin pour que cela ne soit pas étudié. Pour la première fois, Sting perçu une vibration parcourir les réflexes câblés de Closer. L’elfe s’aperçut alors de sa présence et eut un léger sursaut. Il était difficile de dire s’il était authentique ou simulé. Il se retourna ensuite vers la gangeuse, et commença l’entretien :
« Mademoiselle Sting, je vous remercie tout d’abord de me recevoir auss… » Il s’arrêta net quand la femme chassa ses manières mielleuses d’un revers de la main.
« Accouche bonhomme », enchaîna-t-elle.
Après quelques instants, le costard reprit sur un ton beaucoup moins amical.
« Nous savons que vous avez récemment acquis une ogive nucléaire. »
Il laissa le temps que son annonce fasse son effet et continua :
« Et nous savons également à qui vous avez l’intention de la vendre. »

Sting ne laissa rien paraître de son étonnement.
« Et alors ?
— Nous souhaiterions la récupérer… afin d’éviter qu’elle ne tombe entre des mains malintentionnées…
— Et que me donnez-vous en échange ?
— La seule chose que nous avons : des informations. » Sur ces mots, il mit la main à sa poche de veste, non sans s’assurer au préalable de l’immobilité du Street Sam, et sortit une puce optique.
« Des infos sur quoi ? reprit Sting d’un air intéressé.
— Sur le passé de votre bras droit, Green Lucifer, au service du Tir Tairngire. »

La jeune elfe scotcha un moment.
« Intox ! lâcha-t-elle impatiemment. Tout ce qui vient de vous n’est que mensonge et désinformation ! »
L’elfe rangea la puce dans sa veste, et poursuivit :
« Il s’agit d’un refus ?
— Tu peux même y ajouter d’aller te faire enculer, pîn d’accro ! cracha-t-elle, à moitié redressée sur son fauteuil, tel un cobra prêt à mordre.
— Si je vous ai proposé cet arrangement, c’est que je vous pensais plus intelligente que cela.
— Et tu vas faire quoi maintenant, bad boy ? »

L’elfe sembla se détendre, malgré la tournure agressive que venait de prendre la conversation. Il ne semblait pas se rentre compte qu’un simple claquement de doigt de Sting suffirait pour que plus personne n’entende jamais parlé de lui.
« Rentrer chez moi, boire un bon whisky... » répondit-il en souriant. Il fixa alors Closer du regard, et ajouta comme à son intention :
« Mais vous imaginez bien que si nous nous contentions de refus, nous serions aujourd’hui tous Bolcheviques ! »
L’elfe tourna alors les talons, et quitta la salle sous le regard courroucé du chef de gang. Une fois qu’il fut sortit, elle retomba en arrière, se tourna vers l’humain, et bougonna : « Pour qu’il se prend c’t’empaffé ? Il croit arriver ici dans son costard miteux, et repartir avec une Nuke sous le bras ? Il est pas au courant que la guerre froide est finie depuis un bail ?
— Ce n’est pas pour ça qu’il est venu, murmura Closer, comme s’il se parlait à lui-même.
— Tu connais ce mec ? demanda Sting, d’une manière qui laissait comprendre qu’elle avait déjà deviné la réponse.
— Il est venu s’assurer que je ne participerais pas à la suite des opérations », poursuivit-il après un silence.
Sting se redressa sur son divan, regardant tour à tour l’humain debout à côté d’elle, et le couloir sombre où l’elfe avait disparu quelques minutes auparavant.
« Tu roules pour ces enculés de la CIA maintenant ? » rugit-elle la voix emprunte de dédain.
Le Street Sam tourna lentement la tête vers elle, et sembla la fixer sans la voir, avant de répondre :
« Moi non… mais il semble que mon frère, oui ! » conclut-il en désignant, d’un léger signe de tête, le couloir où avait disparu l’elfe quelques secondes auparavant.

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