Bois de Sang, bois de Larmes

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Récit d’un troubadour inconnu, révélant des faits sombres sur les origines de la guerrière elfe Varvara.

Le bois de sang était terriblement magnifique sous ce timide soleil de printemps. Le temps hésitait entre une franche averse et une lourde chaleur qui réchaufferait les vieux os du vieillard. Il se tourna vers le voyageur. Dans les yeux du jeune elfe vibrait tout l’espoir de faire ces preuves pour avoir enfin l’honneur de faire partie des élus. Etre reconnu comme membre d’une Ranelle, une maison noble des Elfes de Sang.

Le vieil elfe sourit : « Vraiment ? L’histoire que tu m’as racontée est fascinante. Mais je t’en prie mon ami, bois un peu de ce vin, tu as beaucoup parlé et il est juste que tu puisses te rafraîchir le palais maintenant, et te relaxer. C’est mon tour de prendre la parole et de te raconter une histoire…

Oui, c’est vrai… Celle dont tu viens de me raconter les récentes aventures n’a pas toujours été la « barbare » que tu me décris… Ses parents, faisaient partie des Rinell’ fihendill, les Gardiens des Origines, ce qui lui prédisait un avenir plein de promesses. Hélas le Châtiment vint et avec lui son lot de malheurs…

Mais commençons par le début. Ses parents sont nés comme moi dans la nation elfique de Cardohan, avant le Châtiment. A cette époque, nous étions l’une des plus puissantes Cours Elfiques mineures. Sa mère, Elbaeven, était l’une des musiciennes les plus talentueuses que la Terre ait porté, et c’était l’unique héritière de ce très ancien royaume. Elle était douce et belle, l’une des plus merveilleuses artistes de la Cour. La Reine Alachia elle-même aimait à l’écouter jouer de la Harpe pendant des heures. Elle épousa Talaegiel Galéng, un jeune et prodigieux magicien qui aspirait à devenir l’un des Gardiens de la Reine, ceux que l’on appelle aujourd’hui les Gardiens de Sang. Mais cette alliance lui offrit un autre destin : celui de devenir Roi de Cardohan, époux de la reine Elbaeven.

Avec la venue des Thérans, puis des Horreurs, la Châtiment arriva. Mais les Rinell’ fihendill étaient dépositaires d’un très ancien et très précieux savoir, une connaissance qui remontait aux Origines du peuple elfique, et la Reine Alachia leur ordonna de ne point rejoindre la Cour Elfique. Elle savait en effet que le Châtiment apporterait avec lui son lot de pertes, et elle ne voulait pas risquer de perdre tous les savoirs des elfes en les enfermant dans le même kaer, au Bois de Wyrm. Au lieu de cela, sous un prétexte de schisme, nous acceptâmes les Rites de Protection et de Passage des chiens thérans, puis nous nous enterrâmes comme tout le monde, pour un temps que nous pensions court. Nous pensions mal. Certains d’entre nous naquirent et moururent de vieillesse dans le Kaer Cardohan.

La seule chose qui nous permettait de supporter tout cela était de penser à notre terre, notre peuple, notre royaume que nous allions retrouver à la fin de cette ère maudite. Cela faisait prés de 450 ans et la niveau de magie s’était stabilisé. Nous avions déjà dû affronter plusieurs fois des Horreurs, qui avaient brisé nos défenses et avaient pénétré dans le kaer. Beaucoup avaient péri et nous savions que notre temps était compté. Aussi nous décidâmes de sortir, coûte que coûte, sans attendre la ruine de notre peuple. Quelle ne fut notre surprise ! Un choc plus brutal que tous ce que nous avions pu imaginer. La honte manqua précipiter le roi dans la folie. Lui, le plus ancien, qui avait transmis à nos enfants le souvenir de cette splendeur bientôt nôtre à nouveau… Les missions d’exploration envoyées en dehors du Kaer nous apprirent la terrible nouvelle : de nos forêts ne restait qu’une terre brûlée et rendue stérile par ces maudites Horreurs. Il ne nous restait rien. Rien à part notre fierté, et la lutte contre les Horreurs. Elles étaient encore bien nombreuses, dans notre ancien royaume qui porte aujourd’hui le nom des Mauvaises Terres. Elles nous harcelèrent dans notre voyage vers le Bois de Wyrm. Nombreux furent ceux qui, ayant survécu au Châtiment, trouvèrent la mort dans les premières semaines qui suivirent notre sortie du Kaer.

Puis vinrent les cavaliers orks. Des… pouilleux, moins que rien. Des pillards. Je repense au sourire moqueur de leur chef et de son cynisme à peine dissimulé. Fils d’un fils d’esclave, le voilà qui savourait une bien basse vengeance, ignorant tout des bienfaits et de la protection que nous apportions à ses ancêtres. Mais ils étaient nombreux, bien mieux armés et nourris que nous, après notre traversée des Mauvaises Terres. Il nous demanda en échange de son « aide » une preuve de notre gratitude. Un enfant de nous, qu’il pourrait élever et nous retourner plein de « sa » connaissance...

Nous protestâmes bien sûr, mais avions-nous vraiment le choix ? Ces sauvages nous auraient pris toute notre nourriture en plus de nos trésors. Et nous avions de bien lourds fardeaux à transporter, ceux-là même qui avaient justifié notre séparation de la Cour elfique pendant le Châtiment. Nous discutâmes longtemps avant de décider qui partirait. Alors notre Roi Talaegiel s’avança alors et nous « sauva ». Elbaeven protesta, hurla, et le traita de traître au peuple Elfique. Il est vrai qu’il n’a jamais vraiment pleuré sa fille. Enfin….

La suite, tu la connais. Nous avons été raccompagnés par les nomades hors des Mauvaises Terres et nous avons pris le chemin du Bois afin de prêter à nouveau allégeance à la Reine et retrouver par l’expiation, notre rang. Notre douleur n’était pas terminée, car le Bois de Wyrm n’était plus. Des quelques survivants du kaer et des Mauvaises Terres, une poignée seulement survécut au Rituel des Epines. Elbaeven, la mère de l’enfant avandonnée aux orks, succomba ainsi, au grand désespoir de la Reine Alachia. Talaegiel et leurs deux fils, en revanche, survécurent. Par le rituel, ils décidèrent de changer de Nom. Mais ceci est une autre histoire….

Tu me dis que tu l’as vue libre, alors ! Je me demande ce qu’en penseraient sa mère, si elle avait survécu, et ses frères… Je n’ose imaginer les humiliations qu’elle a du subir toutes ces années. Honnêtement, connaissant son rang d’origine, je me serais ôté la vie plutôt que de me laisser abaisser à ce point. Mais je comprends qu’à huit ans, elle ait voulu survivre et retrouver un peu de fierté, d’honneur et de reconnaissance dans cette voie si peu subtile que celle des guerriers…

Nous cherche-t-elle ? … Non ? … Tant mieux. Je pense que ce serait s’éclabousser que de laisser prétendre que nous aurions pu, ne serait-ce qu’une fois, courber l’échine devant des maraudeurs dans l’unique but de survivre. Notre position à la Cour en souffrirait tu sais ? La reine n’admet ni déshonneur ni échec, encore moins mensonge. C ‘est pourquoi cette histoire, qui lui a été cachée jusqu’à maintenant, ne devra jamais sortir de cette pièce. J’ai pris mes précautions pour cela vois tu ?

Oui…. je sais… tu me seras fidèle jusqu’à la mort… Justement, nous allons pouvoir le vérifier tout de suite puisque ce vin que tu apprécie tant est agrémenté d’une épice aux effets secondaires forts désagréables… tu me suis ? … je vois que déjà, non… »

Lorsque ses deux fils entrèrent, le vieil elfe garda longtemps le silence, perdu dans ses pensées.

« Ainsi donc, elle est vivante… comme la plus douloureuse épine qui ait jamais transpercé mon corps… »

Le Gardien de Sang Alanaegiel, Haut-Sorcier de la Cour et Ancien Roi de Cardohan se tourna vers le jardin. Le ciel s’assombrissait… On ne pouvait prédire quand, mais immanquablement le temps tournerait à l’orage…




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Bois de Sang - bois de Larmes
Une légende elfique
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