[Dompteurs] - 1. Une rencontre avec les habitants de Liaj

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premier article de l’aide de jeu sur les Dompteurs

Le récit qui suit est extrait d’un essai intitulé « De l’exploration des étendues sauvages », par le célèbre explorateur Luxar, Eclaireur et Maître des animaux qui voyagea aux quatre coins de la province de Barsaive. La partie qui vous est livrée ici constitue une traduction adaptée du texte théran initialement paru dans le « Guide de Survie » de Barsaive.
- Humblement porté à l’attention du lecteur par Mahar, archiviste et scribe elfe

Mon séjour dans la jungle de Liaj

La forêt connue sous le nom de Jungle de Liaj s’étend dans le vaste bassin situé entre les Monts Delaris et les Monts Tylon. Eloignée du fleuve Serpent et des principales routes commerciales terrestres, cette forêt est encore moins connue que la Jungle de Servos. En effet, si quelques rares routes commerciales longent quelques portions de forêt, aucune n’y pénètre profondément. Les légendes qui circulent à propos d’esprits maléfiques, du grand dragon Usun ou encore des féroces tribus des Dompteurs, font que la jungle de Liaj n’attire que les plus endurcis des aventuriers.

La jungle de Liaj a connu une croissance considérable depuis le Châtiment, en raison notamment du régime particulier des pluies dans l’Ouest de Barsaive. La corruption de la Désolation et de la Forêt empoisonnée, relativement proches, ne semble pas affecter la puissante Liaj le moins du monde, apparemment parce que la pluie de cendre toxique n’atteint pas la jungle. Et chaque fois que l’une des terribles créatures contrefaites de ces régions souillées atteint la jungle, Usun se met en chasse et la massacre aussitôt.

Le gigantesque dragon au célèbre tempérament guerrier vit en effet dans les profondeurs de la jungle de Liaj. Il considère l’ensemble de la forêt comme son territoire de chasse privé, et n’y tolère que rarement la présence de Donneurs-de-noms. De nombreux capitaines de navires aériens ont rapporté avoir aperçu l’ombre énorme du dragon chassant les bêtes sauvages de la jungle. Il semble qu’Usun ne porte aucun intérêt aux navires qui croisent dans le ciel de la forêt, mais aucun navire à ma connaissance ne s’est jamais aventuré à se poser sur le sol de la jungle, de crainte de provoquer la colère du grand dragon. On ne sait guère si ce dernier emploie des dracos comme serviteurs, bien que d’aucuns le prétendent. Les Dompteurs, dont je parlerai plus longuement ensuite, ont une relation pour le moins particulière avec lui.

Comme la jungle de Servos, Liaj fourmille de vie. Des vouivres se perchent à la cime des plus grands arbres, à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol, ainsi que de très nombreuses espèces d’oiseaux de toutes tailles et couleurs, mais aussi d’énormes serpents. Des tigres de Liaj, des ours, des sangliers sauvages, de petits troupeaux d’herbivores ainsi qu’un nombre incalculable de rongeurs parcourent le sol de la forêt. Peut-être en raison de l’influence d’Usun et de son amour de la compétition, les animaux sauvages de la jungle de Liaj semblent cependant plus forts, plus féroces et plus rusés qu’ailleurs. La lutte pour la survie est rude dans la jungle, et demande une vigilance constante et un physique à toute épreuve, pour les animaux comme pour les Donneurs-de-noms. De nombreuses espèces spécifiques à cette région de Barsaive sont ainsi apparues dans ces conditions particulièrement difficiles, tout comme certains animaux ont été transformés dans le Bois-de-Sang. Les tigres de Liaj, les sangliers à cornes, les macaques furieux et même les biches grises de la jungle sont des cousins bien plus féroces des animaux que nous sommes habitués à rencontrer dans le reste de la province. Mais aussi dangereuses ces bêtes sauvages puissent-elles être, elles représentent bien peu de choses face aux véritables terreurs de Liaj : les insectes et leurs semblables ! Parmi ces derniers, les plus impressionnants sont sans doute les gigantesques araignées qui résident dans la partie sud de la jungle. De la taille d’un chien jusqu’à celle d’un petit cheval, ces monstres vivent dans un labyrinthe de soie où elles tissent leurs toiles et creusent leur tanière, piégeant de petits animaux et d’autres malchanceux qui s’aventurent dans leurs passages ahurissants. Les araignées possèdent des venins particulièrement horribles, qui leur permettent de drainer lentement les forces vitales de leurs proies, ne laissant que des cadavres desséchés dont elles se servent pour décorer leurs toiles. La lourde soie des tanières des araignées est achetée à prix d’or par des marchands de Jerris et d’autres cités en raison du risque énorme encouru pour la récolter.

À la recherche des Dompteurs

Au bout de quelques jours, je m’enfonçai plus profondément dans la jungle à la recherche des mystérieux Donneurs-de-noms appelés « Dompteurs ». Les Dompteurs forment une petite tribu d’humains et d’elfes ne comptant pas plus de quelques centaines de personnes. Ils vivent sans armes, vêtements ni aucun autre artifice de la civilisation des Donneurs-de-noms, dans les profondeurs de Liaj, au cœur même du domaine d’Usun. Puisqu’ils demeurent sous le nez du dragon sans son autorisation, ils sont en état d’alerte permanente contre une éventuelle attaque. Chaque fois qu’Usun ressent un envie de chair de Donneur-de-noms, les Dompteurs sont ses premières proies. Ils ne considèrent cependant pas le dragon comme un ennemi. Au contraire, ils le considèrent comme l’une des nombreuses forces de la Nature qui font partie de leur existence. Ils mesurent avec prudence leur colère contre lui, et ne rêveraient pas même de lui infliger des blessures, quand bien même ils en seraient capables. Tout comme les animaux dont ils imitent l’attitude, les Dompteurs acceptent le risque de la mort comme faisant partie de la vie. Tout comme la biche grise ne cherche pas à détruire le tigre de Liaj qui la chasse, les Dompteurs ne tentent même pas d’éliminer certains risques qui pèsent sur leur vie.

On m’avait dit que les Dompteurs résidaient près de la rivière du Dragon, et je voyageai longtemps sans incident en direction de cette dernière, mise à part une rencontre avec une Liane chantante. Cette plante très rare utilise une étrange magie pour attirer à elle une proie peu méfiante, produisant une musique envoûtante qui berce celui qui l’entend d’un faux sentiment de sécurité. Heureusement, les Sylphelins chez qui j’avais résidé quelques jours m’avaient mis en garde contre ce végétal hostile, aussi me bouchai-je les oreilles au son de ce chant séduisant.

Finalement, j’atteignis le bord de la rivière. J’enlevai tous mes vêtements et emballai dedans mes armes et tout mon équipement, et plaçai le paquet ainsi créé dans un arbre creux, utilisant ma magie d’Éclaireur pour masquer le tout aux autres yeux que les miens. Puis je progressai nu le long de la rive jusqu’à un creux abrité parmi un éboulement de rochers, près d’une petite cascade. Pour marquer ma naissance à la vie de la jungle, je plongeai dans la rivière et m’y baignai un moment. Quand je sortis de l’eau, je restai sur la rive à scruter les alentours. La beauté de l’endroit instilla Jaspree dans mon cœur. J’écoutai les murmures de la voix de la Passion dans le grondement de la cascade et le bruissement des feuilles, qui guidèrent mes pas et ma magie vers l’âme de ce lieu.

Alors que je préparais un lit de branchages et de feuilles dans mon modeste abri, mes sens d’Éclaireur détectèrent la présence d’un Donneur-de-noms à proximité. Mais comme me l’avais suggéré le Sage des Sylphelins, je ne tins pas compte de cette présence et continuai mon travail. Si mon compagnon inconnu était un Dompteur et que je le provoquai, lui et toute sa tribu allaient me tomber dessus et me tuer. Et au bout d’un moment, j’étais tellement habitué à sa présence discrète que je ne la remarquai presque plus.

Dans les jours qui suivirent, j’appris à survivre dans la jungle profonde. Je pris du poisson et du petit gibier et les mangeai crus, car je n’avais aucun feu pour les cuire. je récoltai des fruits, des feuilles et des racines, usant de mes talents d’Eclaireur pour découvrir lesquels étaient comestibles. Je suivis les pistes laissées par les animaux de la jungle, jusqu’à ce que je sois en mesure de me déplacer à travers la végétation luxuriante sans un bruit, comme un crojen traquant sa proie. Chaque nuit, alors que le crépuscule vert se fondait dans l’obscurité, je faisais une marque sur l’une des pierres près de mon campement afin de marquer le passage du temps.

C’est le douzième jour de mon séjour dans la forêt profonde que je vis le grand dragon pour la première fois. J’étais en reconnaissance aux premières lueurs de l’aube, moment que j’avais découvert comme étant le plus favorable pour chasser, quand la jungle plongea tout à coup dans le silence. Le singe à queue rouge que je traquais disparut dans les arbres sans un froissement. Puis j’entendis de grandes rafales de vent à travers le feuillage.

Une ombre énorme passa au-dessus de moi. Je levai les yeux, et à travers la canopée je distinguai une vaste forme écailleuse, portée par deux ailes immenses comme les voiles d’un navire aérien. Le dragon décrivit des cercles au-dessus de moi comme une sorte de gigantesque oiseau de proie. Je fis appel à Jaspree et à toute la magie dont j’étais capable pour me soustraire aux yeux acérés du dragon, qui cherchaient une proie. Je me collai contre l’arbre le plus proche et me tins parfaitement immobile. A cet instant, je sus ce que ressent le lapin face au loup.

Au bout d’une éternité d’attente, l’ombre s’éloigna et les bruits du vol du dragon se réduisirent avec la distance. Avec soulagement, je retournai à mon campement : affamé, sale et fatigué, mais extasié d’être encore vivant. Quand je parvins au lieu dont j’avais fait ma demeure, les Dompteurs m’y attendaient.

Deux hommes et une femme se tenaient accroupis près de mon lit de feuillages, mais ce qui retint le plus mon attention fut le couple de tigres de Liaj qui les accompagnait. Les Dompteurs ne portaient ni vêtements ni bijoux, mais avaient un port princier. Ils me regardèrent approcher avec circonspection, mais je crus percevoir également une lueur de respect et peut-être même d’approbation dans leurs yeux.

La femme s’approcha de moi et parla. Je reconnus quelques mots, que j’avais appris des Sylphelins. Je fis mon possible pour imiter son discours de bienvenue, et mes efforts arrachèrent un sourire à la femme et à ses compagnons. Ils m’emmenèrent alors vers le lieu où vivait la tribu, non loin de là. J’avais vécu à moins d’une journée de marche du peuple que je cherchais à connaître sans jamais remarquer aucune trace de sa présence, à tel point ces dernières étaient bien dissimulées.

En vivant à leur manière pendant un certain temps, sans les commodités et le confort de la civilisation, j’avais gagné le respect des Dompteurs. Éviter d’attirer l’attention du dragon avait été mon épreuve finale à leurs yeux. En survivant à la chasse d’Usun, j’avais montré que j’étais digne d’apprendre les secrets de la jungle. Les Dompteurs m’emmenèrent dans leur tribu et partagèrent avec moi une partie de leur sagesse. J’appris à parler leur langue, composée d’éléments de langage humains et elfiques, mélangés avec des mots de la langue des Sylphelins de la jungle, ainsi qu’une grande quantité de gestes et d’inflexions subtiles qui permettent aux Dompteurs de tenir de longs discours sans prononcer un seul mot. Les Dompteurs m’enseignèrent à observer la jungle de la manière dont les animaux la perçoivent. Bien que beaucoup de mes semblables plus « civilisés » appelleraient les Dompteurs des sauvages, ils vivent dans une sorte d’harmonie avec leur environnement que peu de Donneurs-de-noms peuvent comprendre. Pendant mon séjour parmi eux, je découvris qu’ils sont eux-mêmes à la source de la légende à propos des « esprits maléfiques » qui ont longtemps éloigné les étrangers de la jungle de Liaj. La nuit, ils utilisent en effet une combinaison de magie d’illusionniste et de gémissements à faire frémir pour effrayer le voyageur ignorant.

Finalement, l’appel du monde extérieur devint trop fort pour que je l’ignore. Je dis adieu à mes frères et sœurs de la jungle, récupérai mes possessions longtemps abandonnées et me remis en route. Un jour, je retournerai chez les Dompteurs pour passer mes dernières heures parmi eux, dans ce foyer qui reste celui de mon cœur.

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