Chroniques de l’éclaireur - épisode 07

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Bienvenue à Throal

Balmur nous faisant désormais confiance, il se confia un peu plus à nous. Il s’avéra qu’il était un ancien des forces d’explorations de Throal et il nous suggèra d’aller y proposer nos services.

Personnellement, cela ne m’emballait guère de devoir obéir à des militaires qui viendraient me dire ou je dois aller et quoi faire. La base du métier d’aventurier reste, selon moi, l’indépendance et la liberté. Mais, je promis : “Si tous les autres sont partants, j’accepterai de faire un essai.”

Nous retournâmes donc au village t’skrang de Nara’Shem afin d’y prendre un navire qui nous mènerait jusqu’au lac Ban. Les talents de navigateurs des t’skrangs nous permirent même de poursuivre par la voie fluviale malgré les rapides d’Adipae qui empêchent les autres navires de remonter la rivière Enroulée. Une fois arrivée à Darranis, la compagnie trouva un boulot d’escorte de caravane jusqu’à Throal. Grâce à mes talents d’éclaireur, nous parvînmes à éviter une embuscade de maraudeurs orks. Il avait fallu neutraliser deux sentinelles orks et leurs chevaux, tout aussi vindicatifs. Le combat fut ardu mais finimes par l’emporter. Une fois de plus, Tregaz et les lanceurs de sorts ont fait la différence. Moins de deux semaines plus tard, nous arrivions à Throal.

Pour la première fois, j’avais la conviction que mes talents avaient évité de nombreux morts, les écorcheurs orks n’auraient pas fait de quartier. C’était gratifiant de se sentir enfin utile. Il ne restait plus qu’à faire quelques efforts au niveau martial pour soutenir mes compagnons avec un brin d’efficacité.

Après un mois passé avec ces compagnons d’aventure, mes sentiments étaient mitigés. Roderick commençait à être fatiguant à tenir toujours le crachoir et un peu lourd avec ses blagues sur l’elfe. Mais ses talents de conteur et mes modestes compétences avec un luth formaient une association bien utile dans les tavernes. L’elfe restait difficile à cerner et il réagissait trop aux provocations du nain. Il était pourtant assez sympa d’une manière générale et ne ressemblait pas vraiment aux quelques nécromanciens que j’avais déjà rencontrés. Jeb était souvent discret et plus réfléchi que le nain. Sa bonne humeur et son bon sens en faisaient un élément de modération dans le groupe. Et le troll ? Le troll était du genre tranquille, fiable et pas dénué de bon sens non plus. C’était surtout le seul combattant digne de ce nom dans notre groupe et c’est là que le bât blessait un peu pour la compagnie. Quoi qu’il en soit, j’en vins à apprécier de plus en plus Monsieur au fil du temps.

Le groupe était assez complémentaire mais nos motivations étaient très différentes et je ne savais pas trop ce que cela pourrait donner à terme. Adanhedel voulait parcourir le monde pour lutter contre les Horreurs, Tregaz était à la recherche d’un membre de son clan, Roderick saouhaitait propager la connaissance et la joie (il avait vraiment un grain, ce nain !) et Jeb désirait retrouver des routes commerciales potentielles. Bref, c’était pas gagné…

Et moi dans tout ça ? Moi, j’étais curieux du monde et des gens qui le peuplent. J’avais toujours un reste d’enfance et je ne désespèrais pas de secourir un jour une jeune femme en détresse –et tant pis si ce n’était pas une princesse elfe !- ou de découvrir un fabuleux trésor au fin fond d’un kaër. Mais j’avais surtout l’impression que je me cherchais encore une motivation profonde, un but. Pour l’instant, j’estimais avoir encore un lourd passif de conneries à rembourser au monde et je devais faire de mon mieux, avec mes maigres moyens. Ce groupe n’était pas enthousiasmant mais il méritait au moins qu’on lui laisse sa chance.

A Throal, nous pûmes rencontrer le contact de Balmur, un dennomé Oërgesol, officier nain plutôt sympathique et carré. Néanmoins, ses propositions ne rencontrèrent pas un accueil très favorable dans le groupe. Seul Roderick était partant. Bref, nous décidâmes de continuer sur notre idée de compagnie franche qui choisissait ses missions.

Nous avions pris nos quartiers à Grand’Foire, à l’auberge de « Mon ami l’obsidien » qui était prévu pour les clients de toutes les tailles et qui convenait fort bien à Monsieur. Dès le lendemain, Roderick obtint un rendez-vous avec un de ses congénères, un marchand nommé Charboyya. Nous nous sommes rendu à son magasin le jour-même, une boutique de tissus de qualité fréquentée par les gens aisés.

C’est là que je rencontrai Kelleshanne. Elle était comme un joyau dans son écrin. Une superbe elfe qui m’apparut comme une princesse au milieu de ce cadre raffiné d’étoffes et de soierie. Alors que le reste du groupe montait à l’étage pour discuter de la mission, je me dirigeai vers la vendeuse dont la vision m’hypnotisait, tout en bredouillant une vague excuse à Adanhedel.

« - Heu… bonjour mademoiselle.
- Bonjour messire. Que puis-je vous vendre ?
- Et bien, je ne sais pas trop. En fait, je souhaitais avoir vos conseils en la matière, hasardais-je.
- Et de quelle matière parlons-nous ? Laine, soie, coton ?
- Hein ? Vous me faites marcher là ?
- Oui, un peu, en fait. Ce n’est pas interdit de faire un peu d’humour en même temps que des affaires, non ? me rétorqua-t-elle avec un sourire qui me fit fondre sur place.
- Hum… et bien… Je fis semblant de réfléchir pour reprendre contenance.
- Je cherche une veste qui puisse se porter aussi bien dans une bonne auberge que dans les bois.
- Là, ça va être difficile car nous ne vendons que du tissu. Mais je peux vous aider à choisir ce qu’il vous faut et vous recommander ensuite un artisan pour la confection.
- Ça serait très bien effectivement, répondis-je sans pouvoir m’arracher à son sourire espiègle.
- Je vous conseille ce tissu ici. Ce vert devrait très bien aller avec vos yeux et vos cheveux. Et il ne sera pas trop voyant s’il vous décider d’aller vous promener dans les bois, ajouta-t-elle avec une légère pointe d’ironie que je préférai ne pas relever.
- Vous pensez que ce serait suffisamment bien pour inviter quelqu’un que je ne connais pas dans une bonne auberge, rétorquais-je, enhardi par son sourire.
- Intéressante question en effet. Son regard se fit calculateur le temps d’un instant.
- Mais cette inconnue ne prendrait sans doute aucun risque à accepter un bon repas en compagnie d’un gentleman bien habillé, non ? Son sourire n’était cette fois pas que commercial.
- Je pense qu’elle ne prendrait que les risques qu’elle choisirait de prendre, répliquais-je, étonné par ma propre audace face à cette superbe fille qui devait servir des dizaines d’hommes chaque journ. Et... que penserait-elle de demain soir, le temps que la veste soit prête ?
- Elle penserait que c’est un bon moment. Et « elle » s’appelle Kelleshanne, ajouta-t-elle.
- Enchanté Kelleshanne. Je m’appelle… Valerian. Avez-vous une auberge à me conseiller en ville ? Cette fois, ses yeux sourirent également.

L’entretien s’était déroulé encore mieux que je ne pouvais l’imaginer. Son sourire éblouissant et son caractère peu farouche laissaient augurer bien des possibilités…

De leur côté, les autres avaient négocié la mission avec une belle compétence. Les talents oratoires du nain avaient, une fois de plus, fait merveille. Il faudrait porter quelques lettres dans un village éloigné et savoir pourquoi les habitants, et notamment les membres de sa famille, ne répondaient pas aux derniers courriers. 900 pièces d’argent pour jouer au facteur. Rien de bien méchant de prime abord, même s’il faut préciser que le groupe d’aventuriers envoyés précédemment n’était pas revenu…

Sur les conseils de la demoiselle, je réservais une table dans l’auberge appropriée et me préparais à cet instant que j’espérais mémorable, avec ma nouvelle veste toute neuve.

La soirée fut effectivement à la hauteur. Un repas excellent accompagné d’un vin fin, la présence stimulante de l’elfe qui avait une personnalité à la fois directe, malicieuse et raffinée, suivi de quelques pas de danse qui achevèrent de dissiper les doutes que je pouvais encore avoir sur la disponibilité de ma compagne d’un soir.

La nuit fut tout aussi mémorable et Kalleshanne s’avéra être une amante experte, du moins au regard des jeunes humaines que j’avais fréquenté jusque là. Je n’étais pas certain d’avoir laissé la même impression à la belle elfe. Toutefois, le fait qu’elle soit toujours là au matin, avec son joli sourire en guise de réveil, me rassura un peu.

Il est clair que j’avais la tête en vrac juste avant le départ pour notre aventure prévue pour plusieurs semaines. J’aurais souhaité rester plus longtemps auprès d’elle et renouveler cette expérience Malheureusement, mes derniers achats ainsi que ce repas princier avaient mis mes finances au plus bas. En clair, ma bourse était plate (les autres aussi d’ailleurs…) et il me fallait retourner sur les chemins de l’aventure. Je demandai à ma compagne d’une nuit une mèche de cheveux, un souvenir que je pourrai chérir durant ces semaines qui allaient être interminables. Elle en fut surprise mais accéda à ma requête.



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épisode 7
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