Dans les entrailles de la Terre

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La provenance de ce rapport demeure un mystère. Il est apparemment extrait d’un journal d’aventurier, mais nos recherches n’ont donné aucune information sur ses auteurs ou son authenticité. Le document fut acheté par un négociant dans la cité de Vivane, mais il fut incapable de se rappeler quand ou comment il se l’est procuré. Les archivistes de la bibliothèque ont questionné de nombreux explorateurs dans cette cité, mais personne n’avait entendu parler de grottes ressemblant à celles décrites dans cette histoire.
• D’rolia, scribe de la Grande Bibliothèque de Throal •

18ème jour de Rua

Mauvaise journée. Il pleut sans arrêt. Une pluie froide, et non tiède comme celle qui tombe chez nous. Je hais les montagnes, et tout particulièrement celles-là. Pourquoi suis-je venu dans cette buunda de région thérane de toute façon ? La province de Vivane, pleine d’argent théran qu’ils disaient. Pouah ! Est-ce que ça vaut la peine de ramper sur des rochers sous une pluie glacée ? Comme disaient les anciens : les humains ont de la purée en guise de cerveau. Il n’y qu’un humain pour vous envoyer vous perdre dans les montagnes, sans endroit pour vous abriter, contre des pièces sonnantes et trébuchantes. S’il nous paie. Il va sentir sa douleur s’il ne le fait pas lorsque nous serons de retour.

Bon, il y a quand même une bonne nouvelle : on a pu éviter la pluie. On a trouvé une petite grotte, pas assez grande pour que K’raghat Défense-d’or et ses frères puissent s’y installer, mais parfaite pour nous, les orks, et le petit papillon. K’raghat dit qu’il va se contenter de la pluie. J’en suis désolé pour lui (ha ! ha ! ha !). Nous avons fait un feu ; peut-être qu’il nous réchauffera un peu.

K’raghat a posé son gros pied trop près de moi pour la dernière fois. Il a traversé la grotte en nous bousculant et en proclamant qu’il devait certainement y avoir plus de place ici car la flamme de sa torche indiquait une arrivée d’air. Il m’a piétiné car il ne supporte tout simplement pas la pluie. Un vrai dur-à-cuire, cet écumeur du ciel (ha ! ha ! ha !). J’aurais pu l’arrêter, hein, mais K’raghat avait déjà trouvé quelque chose. Une grande fissure dans le mur du fond. Norga paria deux pièces d’argent que l’écumeur du ciel y resterait coincé en s’y faufilant.

Un endroit magnifique, vraiment ! Plus jamais je ne me plaindrais des crapahutages à travers les montagnes ! Partout, des pierres précieuses. Cette petite grotte a failli nous berner, et nous n’aurions jamais su que toute une fortune se cachait derrière cette paroi ! Toutes ces couleurs sur les murs qui étincellent à la lumière de la torche : rouge, violet, et jaune profond comme les yeux de Norga ! Toutes les pierres sont précieuses, du sol au plafond… Et il y a toute une enfilade de grottes au-delà de la première ! Tout est bleu par ce passage : vous vous demandez ce que ça peut donner des parois de grotte bleues ?

Bleu saphir. Comme dans la mer lorsque la lumière du soleil traverse l’eau. Tout est bleu, bleu, bleu, bien plus bleu que le ciel. Au bout d’un certain temps, je ne pouvais plus me retenir : je devais toucher ce bleu. Doux et tiède, c’était agréable au toucher même pour mes mains cornées par l’épée. Je me demande s’il est possible d’extraire un saphir du mur. J’en ai un. Aussi gros que ma main et sans aucun défaut.

Il est à moi.

Norga rigole tellement elle est heureuse. Elle a récupéré une pleine poignée de pierres vertes : des émeraudes, je crois. Elle n’arrête pas de faire sauter la plus grosse dans sa main, comme un gamin avec sa balle. Tout en rigolant et en nous taquinant comme des mômes, nous admirons toutes les émeraudes et les saphirs que nous avons rassemblés. Je pourrais acheter une belle maison dans une vraie cité maintenant, ou peut-être une terre à exploiter, quelque part. Norga et moi pouvons acheter tout ce qui nous passe par la tête maintenant.

K’raghat est assis au milieu d’une grotte rouge et violette et regarde quelque chose qu’il tient dans sa main, un sourire idiot gravé sur son gros visage de crétin. Il ne m’a même pas entendu lorsque je me suis approché pour regarder par-dessus son épaule.

Il tenait un rubis. Un gros. Plus gros que mon saphir. Presque aussi gros que ses deux mains posées l’une à côté de l’autre. Mais mes pierres sont plus jolies. Il peut bien garder son rubis couleur de sang. Le sang me fatigue des fois. L’eau, c’est mieux.

Pourquoi K’raghat possède une pierre précieuse plus grosse que la mienne ?

20ème jour de Rua

Les deux frères de K’raghat se sont battus pour une poignée d’améthystes. Les trolls sont vraiment débiles ! Elles sont jolies ces pierres violettes, mais ça ne vaut pas le coup de verser le sang d’un frère ! Je n’aurais pas cru que ces deux là en arriveraient à se battre pour quoi que ce soit. Groghluc est le pire d’entre eux : j’ai pris une de ses pierres violettes pour la regarder, tout simplement, mais il s’est écrié : “Voleur !”. K’raghat a alors posé la main sur la garde de son couteau et j’ai donc lâché la pierre pour revenir auprès de Norga. C’est absurde de se battre pour une petite pierre.

Mais ce rubis, là… non, c’est idiot de penser ça.

Notre groupe ne peut plus s’appeler les Six épées désormais. Les frères de K’raghat sont morts. Groghluc a tué Leghlath lorsque celui-ci a renversé de la soupe sur son pied. Il lui a tranché la tête avec cette grande épée large qu’il porte toujours sur lui. K’raghat a ensuite planté son couteau dans l’œil de Groghluc. Il a mis beaucoup de temps à mourir. Il n’arrêtait pas de tressauter.

Je n’avais plus tellement d’appétit après ça.

23ème jour de Rua, 1502 TH

Norga écrit ceci car Goraat est mort. K’raghat aussi. Ils se sont entretués. Le petit Heegra, le sylphelin, a volé trop près du rubis de K’raghat, et ce dernier s’est emparé de son épée pour le couper en deux sans hésiter. Goraat s’est alors jeté sur K’raghat en criant “Assassin ! Assassin !”. Ils se sont battus longtemps. Goraat a juré qu’il s’emparerait du rubis pour venger par le sang la mort d’Heegra : nous étions des amis proches et K’raghat devait payer pour l’avoir tuée de la sorte. C’est ça qui a rendu fou K’raghat. Il hurlait, frappait, et finit par égorger mon Goraat alors que celui-ci plantait sa lame dans le ventre du troll. Ils se sont effondrés, morts, en même temps. Il ne reste plus que moi et Norga. Il n’y a plus personne d’autre.

Je me souviens avoir eu peur. Je voulais sortir d’ici. J’ai couru à travers les grottes à la recherche de la fissure que nous avions empruntée. Où que j’aille, je ne la trouvais pas. Je me suis retrouvée dans la grotte aux parois rouges, violettes et jaunes profonds, mais il n’y avait toujours pas de fissure. Pas de sortie. Au bout d’un moment, je fus prise de vertiges et décidai d’arrêter mes recherches.

Je n’ai plus peur maintenant. Le rubis me rend heureuse. Le rubis de K’raghat… mon rubis. Il est à moi maintenant ! Si parfait, si ravissant : bien plus beau que toutes les autres pierres de ces grottes. Les émeraudes que j’aimais tant ressemblent à de simples bris de verre comparées à ce rubis. Quand je le regarde, je me sens apaisée. Je me sens en paix. Je n’arrive pas à me souvenir la dernière fois où j’ai ressenti une telle paix. On ne se sent pas en paix quand on mène une vie comme la mienne.

J’aurais tellement voulu partager ça avec Goraat. Il me manque. Un petit peu seulement. Le rubis efface la douleur restante. Il me parle, je le sais. J’aimerais comprendre ce qu’il me dit : la paix, l’apaisement et le silence, ou quelque chose dans le genre. Et la compréhension. Oui, c’est ça ! Si je m’assois, silencieuse, calme et immobile, si je ne pense à rien d’autre qu’à la paix, j’arriverai à comprendre. J’arriverai à comprendre ce qu’il me dit, pourquoi tout ceci est arrivé, pourquoi je suis ici… tout.

Je vais m’asseoir et attendre. Je serai calme et silencieuse.

Idées d’aventures

Les grottes de pierres précieuses se situent quelque part dans les montagnes de Caralkspur au nord-ouest de la province de Vivane, même si personne ne sait où elles se trouvent exactement. Les gemmes que l’on peut trouver dans ces grottes sont de très haute qualité et peuvent être vendues contre une belle somme sur l’ensemble des marchés de Barsaive.

Malheureusement, ces gemmes ont également été maudites par une Horreur. La malédiction pousse les personnages à devenir extrêmement possessifs envers les pierres précieuses et à réclamer leurs toutes les gemmes d’un type donné à l’intérieur des grottes. Par exemple, un personnage qui touche un rubis dans les grottes commencera à penser que tous les pierres précieuses de ce type sont légitimement à lui et tentera bientôt de toutes se les accaparer.

À chaque fois qu’un personnage saisit une des gemmes, effectuez un test de malédiction contre la Défense magique du personnage. Le Niveau de ce test est égal à 13. Si le test réussit, le personnage est maudit. Pour résister aux effets de cette malédiction, un personnage doit réussir un test de Volonté chaque jour passé à l’intérieur des grottes. Utilisez un Seuil de difficulté de 6 pour le premier test, et augmentez ce seuil de 1 pour chaque test additionnel. Les personnages maudits peuvent également se débarrasser des effets de la malédiction en quittant les grottes. Les maitres de jeu peuvent déterminer l’identité et la nature de l’Horreur qui a maudit les grottes de pierres précieuses.

Les personnages peuvent être embauchés pour extraire les gemmes des grottes par des marchands ou des élémentalistes à la recherche de pierres magiques pour créer leurs enchantements. Sinon, des rapports sur l’activité d’une Horreur dans les cavernes peuvent inciter les personnages à rechercher ces cavernes dans l’intention de détruire l’Horreur ayant maudit les pierres précieuses. Les personnages peuvent également partir à la recherche du rubis mentionné dans l’extrait du journal : pour son impressionnante beauté, pour sa taille ou pour ses propriétés magiques supposées. Les maitres de jeu peuvent également mentionner les cavernes lors d’aventures sans rapport avec elles, lorsque l’un des membres des Six épées, décédés depuis des lustres, s’introduit dans les rêves de l’un des personnages. Cette apparition onirique peut hanter le personnage jusqu’à ce qu’il se décide à partir à la recherche du trésor rassemblé par l’explorateur mort et qu’il remette une partie de celui-ci à la famille du compagnon d’armes tué par l’explorateur.


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Dans les entrailles de la Terre
Une légende de Barsaive
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