Croissance osseuse

Accueil > Earthdawn > Le Quatrième Monde > Légendes > Croissance osseuse (par Clem)

Le témoignage suivant est extrait d’un journal qui relate les aventures d’un groupe connu sous le nom de « Cinq Roues ». Malheureusement, l’auteur de cet ouvrage — un Archer nain nommé Hansig Œil-Vrai — n’a pas pris la peine de mentionner les Noms des écorcheurs dont il parle. Cet oubli a constitué un obstacle insurmontable pour les rares explorateurs à avoir essayé de retracer l’itinéraire des Cinq Roues. Hélas, il ne faut pas espérer qu’Hansig puisse donner plus de détails sur cette histoire ; personne n’a entendu parler des Cinq Roues depuis qu’ils ont pénétré dans les Mauvaises Terres il y a plusieurs mois.
• Thom Edrull, archiviste et scribe de la Salle des Archives •

Jour 13

Depuis Kratas, cela fait déjà deux semaines que nous voyageons. Les Tylons sont en vue ; mais toujours aucun signe des esclavagistes. J’ai l’impression que ça fait deux mois qu’on leur court après. On commence à manquer de nourriture, et aussi d’élémentaliste, Riggo s’étant fait tuer dans une attaque de craquebecs, excusez du peu ! Mais qu’importe ; je peux voir ces esclavagistes dans mes rêves, et quand un Archer voit sa cible, il ne peut pas la manquer. Trasken, lui, ne voit que l’or.

Mais on ne peut pas manger l’or. On peut manger les craquebecs, par contre ; en tout cas, c’est ce que Gommoj prétend. Elle dit que ça a le même goût qu’une bonne pinte de Hurlg. Selon moi, de la Hurlg éventée.

Jour 15, matinée

Au pied des Tylons. Avons rencontré une tribu d’écorcheurs. Ils contrôlent les territoires allant du pic gauche des Tylons jusqu’à la Rivière Délavée. Gommoj est en train de s’occuper d’eux. Je suis sûr que les écorcheurs apprécient quand une grande cavalière leur donne une bonne leçon. Ca fera au moins un de nos adeptes qui pourra se faire accepter des écorcheurs sans les faire marrer ; rien d’autre ne semble les intéresser.

Jour 16

Gommoj nous a gagné le droit de traverser les terres de la tribu : apparemment, les orks considèrent le craquebec rôti comme un mets délicat. Trasken a enfin trouvé des signes frais du passage des esclavagistes. Il y a moins de traces cette fois, ils ont dû perdre quelques hommes. Peut-être qu’ils ont eu des problèmes avec les écorcheurs ; l’écorcheur est parfois le meilleur ami du chasseur d’esclavagistes.

Gommoj a l’air préoccupé. Trasken nous désigne un col assez bas en amont ; nous sommes profondément enfoncés dans les Tylons maintenant, mais toujours dans le territoire des écorcheurs. Trasken dit que les traces y mènent. Gommoj secoue la tête : les écorcheurs nous ont interdit de passer ce col. Je lui demande pourquoi ; peut importe, qu’elle répond. Elle ne leur a même pas demandé. Ah, les orks ! Ils n’ont qu’à aller se faire bouffer par les dragons !

Trasken demande à Gommoj si elle préfère l’amitié des écorcheurs au sang des esclavagistes ruisselant de sa lance ; ça a l’air de changer la donne. C’est parti vers le col.

Trasken grimace ; il a un mauvais pressentiment sur ce qu’on va trouver là-haut.

Jour 18

Du col, on a une vue dégagée sur une vallée, qui se rétrécit plus haut, devenant une passe qui suit le flanc de la montagne. La vallée entière semble morte. Un vaste espace recouvert d’une terre poussiéreuse et grisâtre ; aucune trace de végétation. Drôle de coin. Nous entrevoyons une forme sombre dans le lointain. Gommoj entonne son chant qui repousse les Horreurs.

Jour 21

De plus près, la forme sombre se révèle être une espèce de bâtiment, un château, peut-être. Il est fait d’os brillants et de métal, de pierreries et de cadavres, de roche, de plantes, et d’encore plus d’os blanchis par le temps. Les boucliers d’ennemis défaits y pendent comme des bannières, de longues lances surgissent de ses flancs à l’image de bras, des crânes couronnés de gemmes sont incrustés un peu partout dans les parois tels des clés de voûte macabres. Un nuage bourdonnant d’insectes et de charognards assombrit les cieux au-dessus de la structure.

Le bâtiment est immense. Il s’étend quasiment d’un bord à l’autre de la vallée dévastée. Le plus étrange, c’est qu’il n’a quasiment pas d’odeur. Une enceinte basse faite de lances et de cages thoraciques entoure le lieu ; aucun d’entre nous n’a encore osé la franchir.

Trasken ne ressent pas la présence d’Horreurs ; pour ma part, je ne vois aucun signe de morts-vivants. Pourtant, nous sommes tous mal-à-l’aise. Même en plein jour, le ciel est sombre comme la nuit. Gommoj et son cheval tremblent de concert.

Jour 22

Aujourd’hui, nous avons franchi l’enclos sinistre. Nous n’avons trouvé aucune entrée dans le bâtiment proprement dit ; mais alors que nous en voyions enfin le bout, un spectacle particulièrement étrange se présenta à nous : à l’autre bout de la vallée se dressait un autre château des morts, quasiment identique ! Encore plus perturbant, nous avons aperçu deux obsidiens, assis chacun devant l’un des châteaux. Ils se tiennent tous les deux immobiles, assis sur des espèces de tapis ou de couvertures colorées, un unique bol en bois posé à côté de chacun d’eux. Les obsidiens se dévisagent par-dessus deux immenses labyrinthes d’os. Aucun des deux n’a semblé remarquer notre présence.

Trasken m’assure qu’ils sont tous deux en vie. Il a la vue de l’Éclaireur. Pour ma part, j’ai celle de l’Archer, et ce que je peux voir ici me perturbe. Je regarde un obsidien de plus près : ses yeux ne bougent jamais, pas plus qu’il ne les cligne. Est-ce que les obsidiens doivent cligner des yeux ? Peu importe. Il n’a pas de pupilles, juste deux yeux complètement jaune pâle, mais je sais quand même ce qu’il regarde : son rival, de l’autre côté.

Un peu plus tard, je me rends compte que nous venons de passer six jours à explorer cette vallée de la mort et à observer ses habitants ; six jours que les esclavagistes ont sans doute mis à profit pour chevaucher loin de nous. Tout en jetant des regards nerveux aux merveilleuses tours, nous suivons à nouveau les traces de nos proies, ce qui nous amène à dépasser la deuxième tour, à sortir de la vallée et à pénétrer dans la campagne au-delà. Pas de soucis. J’aperçois les esclavagistes à l’horizon ; un Archer qui voit sa cible ne peut la manquer.

Jour 27

Nous sommes enfin sur le chemin du retour. Deux esclavagistes nous ont d’abord échappé : leur éclaireur et le conducteur de la caravane. Trasken a trouvé leur trace, qui faisait demi-tour et retournait vers les Tylons. Il connaissait leur odeur ; impossible qu’ils s’échappent désormais. Leur trace nous a ramenés directement dans la vallée sombre. Les hommes-pierre sont toujours là. Selon Trasken, ils n’ont pas dû bouger depuis des années.

Les tours d’os ont poussé pendant notre absence ! C’est Gommoj, avec ses sens d’équidé, qui le remarque en premier. La bannière des esclavagistes pend dans l’air immobile depuis le sommet de la tour Nord, montée sur une hampe bricolée à partir du bras de l’éclaireur, qui porte encore une pièce de son armure reconnaissable entre toutes. La tête du conducteur est plantée dessus, surveillant la vallée entière de ses yeux aveugles.

Ça n’a pas d’importance ; la prime est versée pour chaque esclavagiste, ou pour une preuve de sa mort. On va emprunter ce trophée macabre, et en récolter la prime. Les Archers voient toujours la meilleure façon d’atteindre un objectif. Et maintenant, je peux garder un œil sur ma cible...

Idées d’aventures

La vallée dévastée décrite dans cet extrait de journal s’étend à cheval sur les territoires contrôlés par deux tribus d’écorcheurs orks. Pendant des décennies, ces deux bandes ont versé le sang pour des disputes cruciales au sujet par exemple du bon côté duquel faire pendre la crinière tressée des chevaux, de qui a les plus grosses défenses, ou encore des broutilles comme le contrôle des territoires, ou de vieilles dettes de guerre. La terre de la vallée ne valait rien pour les cultures, les tribus ont donc fait preuve d’une intelligence peu habituelle quand ils ont décidé d’en faire le lieu officiel de toutes les escarmouches organisées régulièrement.

Tout s’est très bien passé jusqu’à ce qu’un jour, il y a à peine quelques années, les deux tribus se rencontre pour une nouvelle bataille et remarquent deux obsidiens assis sur le champ de bataille et se dévisageant par-delà quelques centaines de mètres. Les écorcheurs établirent rapidement une trêve et allèrent s’intéresser aux obsidiens. Ceux-ci refusèrent pourtant de communiquer de quelque façon que ce soit avec les orks, dont les chamanes pouvaient détecter les très fortes auras de pouvoir se dégageant des deux intrus.

Les orks restant des orks, ils décidèrent de maintenir la bataille prévue. Tout se passa pour le mieux jusqu’à ce que la charge des chevaux coupe la vue d’un des obsidiens. Immédiatement, les deux obsidiens se jetèrent dans la mêlée, désarçonnant les orks tout en restant indifférents aux plus puissants sorts des chamanes. Quand tout fut terminé, des douzaines d’orks étaient éparpillés sur le sol, blessés et assommés, et les obsidiens étaient assis calmement, à nouveau face-à-face.

La colère initiale des orks se changea bien vite en stupeur quand ils réalisèrent qu’aucun des leurs n’avait été mis à mort. Craignant ce qu’il pourrait advenir d’eux si les obsidiens venaient à se sentir véritablement offensés, les deux chefs de guerre annulèrent le combat et se creusèrent les méninges devant cette atteinte aux traditions. Ils ne pouvaient visiblement plus se servir de la vallée dévastée comme de leur champ de bataille. Et pourtant leur agressivité et le besoin de se mettre à l’épreuve restaient intacts. Dans une démonstration du sens de l’adaptation ork, les deux tribus « adoptèrent » donc chacune un obsidien comme son « champion ». Chaque bande d’orks commença à canaliser son besoin de compétition en amassant autant de trophées de guerre que possible et en les empilant pour former ces tours macabres qui se dressent derrière les obsidiens. Le chamane de chaque tribu emploie de nombreux sorts et esprits pour s’assurer que les tours de la gloire ne soient pas corrompues par des voleurs, ou d’autres choses encore pire. En plus de cela, chaque tribu a mis en place un approvisionnement permanent en nourriture et en eau pour « leur » obsidien, afin qu’il ne perturbe pas leur concours.

Récemment, les deux tribus se sont unies sous la bannière d’un seul chef, de la même façon que de nombreuses autres tribus d’écorcheurs un peu partout en Barsaive. En dépit de cette alliance, un peu de l’ancienne rivalité entre les deux tribus d’écorcheurs a demeuré, ainsi que la tradition d’ériger les tours d’os.

Les deux obsidiens dans la vallée sont de puissant adeptes qui, à cause d’un point d’honneur oublié de tous sauf de leurs Pierres de Vie respectives, ont choisi par hasard la vallée pour finir une épreuve de patience et d’endurance qui a commencé des décennies auparavant. Les règles de l’épreuve interdisent les deux obsidiens de se procurer de la nourriture ou de l’eau, mais ne précisent rien concernant des moyens de subsistance déposés à leur portée par quelqu’un d’autre. La dévotion des orks a donc en fait aggravé la longueur de cette démonstration silencieuse. Les obsidiens éliminent (mais de façon non-létale) avec beaucoup de force quiconque les empêche de voir leur rival.

La situation dans la vallée est figée ; mais de nombreuses possibilités d’aventures peuvent émerger si un des deux obsidiens est déclaré perdant. Les deux adversaires vont-ils rechercher de nouveaux compagnons d’aventure ? Vont-ils se retourner contre les orks pour avoir transformé leur compétition en un spectacle macabre ? Vont-ils simplement s’en aller ? La nouvelle alliance qui unit les deux tribus d’écorcheurs procure également des possibilités d’aventure. Sans aucun doute, cette alliance va avoir un impact majeur sur la situation politique dans les Tylons ; et peut-être même dans tout Barsaive ! Une fois que la nouvelle se répandra jusqu’à Throal, le roi Varulus sera certainement curieux d’apprendre qui dirige l’alliance, et quels sont ses projets...


Téléchargez ce parchemin (format .pdf, 324 ko) :

PDF - 323.7 ko
Croissance osseuse
Une légende de Barsaive
Enregistrer au format PDF